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L'aventure sous toutes ses coutures à Question(s) d'éthiques

Illustration : © Julia Wauters L'aventure sous toutes ses coutures à Question(s) d'éthiques
Illustration : © Julia Wauters

Retour sur le festival Question(s) d'éthique

Créé il y a plus de 8 ans par le Lieu Unique et l'association EthicA, le festival Question(s) d'éthique questionne, remet en cause et explore chaque année un grand sujet de société (la fin et le début de la vie, l'engagement politique, l'addiction, les transitions etc). Pendant deux jours, l'événement propose des débats, des conférences et des projections en lien avec ce sujet. Du 2 au 3 décembre dernier, le festival explore le thème de l'aventure. 

De l'exploration des milieux polaire à une relation sexuelle sans lendemain

Pour Guillaume Durand, co-fondateur du festival, chercheur et maître de conférence en philosophie, le thème de l'aventure est l'occasion de parler de celles et ceux qui osent prendre le risque de tout lâcher dans le but de poursuivre un but.

"Qui sont ces personnes qui vivent autrement ? Pourquoi ils le font ? Quelle est leur quête ? Est-ce qu'ils le font à la recherche de l'altérité ? Parce que l'aventure, c'est aussi la rencontre."

De plus, selon l'organisateur, l'aventure ne se passe pas forcément dehors à des milliers de kilomètres de là où l'on vit, elle peut aussi se faire dans l'intimité. 

"On peut tout à fait rester chez soi et vivre des aventures en rencontrant un livre, un tableau ou un auteur par exemple. Mettre à mal ses propres idées, s'interroger à propos de telle ou telle question, faire une expérience d'introspection, se remettre en question, on peut considérer que ce sont des aventures."

L'occasion de déconstruire le mythe de l'aventurier occidental 

Explorateur, auteur et chef d'exposition spécialisé dans les milieux polaires, Nicolas Dubreuil raconte avoir commencé les expéditions dans ces environnements peu connus pour se mettre à l'épreuve. 

"Je cherchais un milieu hostile, un milieu pour m'éprouver, pour me confronter à des choses vraiment difficiles. Et puis, il se trouve que les milieux polaires, c'était des endroits qui à l'époque, étaient peu explorés."

L'explorateur français vit une partie de l'année au Groenland, dans le village de Kullorsuaq, dans lequel il a dû apprendre à vivre d'une autre façon pour se faire accepter. 

L'adaptation a été très dure, je ne parlais pas le patois du coin. Il n'y a pas de touristes donc ils ne comprenaient pas ce que je venais faire ici. (...) Finalement, j'y ai trouvé ce que je suis parti chercher, c'est-à-dire des gens. 

Nicolas Dubreuil est un occidental, français, rassemblant beaucoup des caractéristiques du cliché de l'aventurier. Pour se faire accepter, il raconte qu'il a dû déconstruire cette image qu'il renvoyait.

Au début, tu vas là-bas pour te prouver que t'es le plus fort. Et puis en arrivant, je me suis pris une claque phénoménale. À l'époque, je ramenais des photos de moi le visage pris dans les glaces alors qu'à Kullorsuaq, les enfants jouent dehors sous -35 degrés et ils s'en fichent. Là, je suis redescendu de mon piédestal. 

Aujourd'hui, le français co-construit des expéditions avec les communautés groenlandaises où il montre à voir les conséquences du réchauffement climatique dans ce qu'il appelle les nouvelles terres.

Lors d'une discussion, un chasseur m'a parlé de ces nouvelles terres. Je ne savais pas de quoi il parlait alors je regarde sur une carte, je ne comprends pas pourquoi il souhaite aller là-bas. Il m'explique que là-bas, il n'y a plus de glaciers, il y a des vallées, des péninsules, des îles, qui n'existaient pas auparavant. 

..., de parler de ceux et celles qui ont tout plaqué pour poursuivre un but

Arnaud Pourredon est à l'époque un jeune étudiant en médecine quand il part faire des stages à l'étranger. Il s'envole vers le Népal alors touché par une série de tremblements de terre, puis en Tanzanie à Arusha et enfin dans un hôpital en Bolivie. À chacun de ses voyages, le jeune Français se rend compte de l'impact terrible des faux médicaments, du manque de formation du personnel pharmaceutique et de l'absence de traçage des médicaments. 

Le problème des faux-médicaments ne concerne pas seulement les pays qui traversent des crises sanitaires (...), il y a un enjeu à l'échelle mondiale.

Arnaud Pourredon arrête alors ses études pour se lancer dans un projet ambitieux: la création de Meditect, une start-up à destination des professionnels de santé en Afrique, luttant contre les faux médicaments grâce à des technologies innovantes et un important réseau de partenariats avec des laboratoires pharmaceutiques. 

Des applications gratuites pour smartphone pour les patients et les pharmaciens qui permettent de scanner un médicament et les applications détermineront si c'est un vrai ou un faux médicament.

Pour l'entrepreneur français, l'une des solutions permettant de lutter efficacement contre la prolifération de faux médicaments et l'accroissement d'un marché noir se trouve dans le numérique : "les gouvernements doivent, je pense, en priorité chercher à digitaliser (...) les acteurs. Pour moi, il est nécessaire de digitaliser pour mesurer ce qu'il se passe afin de prendre des décisions plus éclairées."

..., et de remettre en question notre imaginaire collectif. 

C'est en lisant des récits de voyage, que Lucie Azema, a remarqué de fortes différences entre son quotidien de femme voyageant seule et celui des voyageuses dans la littérature. Dans un ouvrage très documenté, la voyageuse dénonce la vision masculine de l'aventure en prenant des exemples concrets au sein des classiques de la littérature de voyage. 

Dans le livre Sur la route de Jack Kerouac, il y a un traitement très misogyne des femmes, très homophobe aussi pour les hommes qui l'entourent. 

L'auteure déconstruit méthodiquement cette image de l'aventurière créée par une culture patriarcale depuis plusieurs siècles. Elle aborde par exemple la notion du danger.

Il n'y a pas plus de dangers que dans une vie sédentaire. Quand il m'est arrivé des mauvaises histoires, c'était toujours pendant ma vie sédentaire dans des villes comme Paris, Lyon ou Nantes. Statistiquement, l'endroit le plus meurtrier pour les femmes, c'est le foyer. 

De l'Odyssée, à Sur la route en passant par Indiana Jones, la femme est associée à une figure immobile, en attente ou encore vulnérable. Pourtant, dans les faits, les femmes ont toujours voyagé seules. D'ailleurs, la première trace de littérature de voyage est écrite par une femme (Le journal de voyage d'Égérie). 

Grâce aux réseaux sociaux, le public a désormais accès à des représentations du voyageur et de la voyageuse correspondant à la réalité du terrain. Cependant, selon l'autrice les réseaux sociaux et particulièrement Instagram, constituent, parfois, un retour en arrière. 

Les jeunes femmes qui mettent en scène leurs voyages se fera parfois dans un retour de la sexualisation avec une place très important accordé au physique, alors que le voyage ça libère, aussi, de cette charge esthétique, de l'épilation, du maquillage, etc...
L'équipe

Article écrit par Brieuc Le Fur
Entretiens réalisés par Brieuc Le Fur