Envoyer un mail, faire une recherche sur internet, utiliser un logiciel, voilà des démarches quotidiennes pourtant particulièrement complexes pour les quelques 13 millions de français·es atteint·es d’l'illectronisme. Soit le fait de ne pas posséder les compétences numériques de base. Un réel handicap dans une société de plus en plus digitalisée.
Pour François Brichart, responsable de l’action contre l’illectronisme du club d’entreprise FACE Loire-Atlantique. Ces difficultés liées au numérique sont révélatrices d’un manques de connaissance du domaine.
"Il y a un vrai manque, aujourd'hui, de connaissance autour de l'informatique et du numérique. On peut pianoter un peu sur son téléphone. Mais on va plus facilement aller sur les réseaux sociaux. Mais utiliser un ordinateur et comprendre comment ça fonctionne, c'est beaucoup plus complexe. Sauf qu'aujourd'hui avec votre téléphone vous ne pouvez pas faire votre CV, en tout cas ce n'est pas aussi simple que cela.
Il y a plein de sites qui ne sont pas forcément adaptés pour le téléphone. Donc c'est important de pouvoir découvrir comment ça fonctionne par un ordinateur"
Une analyse à laquelle souscrit Raphaella. Une des participantes à cet atelier contre l’illectronisme.
"Mais vous savez même si tu as un téléphone, si tu ne connais pas, si tu n'a pas quelqu'un qui t'apprends. Qui te dit c'est ça et ça. Tu ne peux pas comprendre. Quand tu es initié toi-même tu vas chercher, dans l'ordinateur tu tapotes jusqu'à que tu rencontres des choses. Tu découvres tous les jours quand tu t'intéresses."
D’après la dernière étude sur le sujet de l'Insee Pays de la Loire. Si la région est l'une des moins concernées par l'illectronisme en France. Les personnes faisant face à ces difficultés y sont tout de même nombreuses, comme nous l’indique Isabelle Delhomme, chef de projet à l’INSEE Pays de la Loire.
"Dans les Pays de la Loire ça touche 15 % des ligériens, soit un peu plus de 450 000 habitants. C'est majoritairement des personnes de 60 ans ou plus"
Si l'âge est donc le principal critère explicatif de ces difficultés liés aux numériques.
En Pays de la Loire, 83 % des personnes en situation d'illectronisme ayant plus de 60 ans. À l'inverse certains critères permettent de comprendre pourquoi certaines personnes sont moins concernées
"Ce qu'on constate c'est que dès qu'il y a des enfants parmi les ménages, les taux d'illectronisme sont bien plus faibles. Puisque les enfants doivent sûrement inciter les parents à se mettre au numérique. Et notamment parce que de plus en plus, pour consulter les notes et être en relation avec les établissements scolaires, le numérique est un outil privilégié"
La catégorie socioprofesionelle joue également un rôle.
"Au niveau de l'emploi, les personnes qui sont cadres, professions intermédiaires ou employés ont accès au numérique de par leur métier. Et également aux formations pour utiliser les outils numériques".
L’illectronisme est également bien plus important dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Ces difficultés face aux outils numériques sont particulièrement handicapante dans une société de plus en plus digitalisée, où de nombreuses démarches s’effectuent en ligne.
F. B. "Aujourd'hui les 3/4 des services, et de plus en plus en tout cas, des services administratifs, des services d'état, pôle emploi, si vous voulez faire la Caf, etc. Tout passe par un ordinateur ou par votre téléphone. Donc si vous ne savez pas comment faire cela, vous en êtes de plus en plus éloignés. Si je suis déjà exclu, et que j'ai besoin de bénéficier du RSA parce que c'est une période un peu complexe. Comment c'est possible alors que je ne sais même pas utiliser un ordinateur ? Je suis doublement exclu. Donc sans bénéficier du RSA comment je vais faire pour trouver un travail aussi etc. C'est un cercle vicieux."
La numérisation des services publics n'est pas prête de s'arrêter. Sous l'impulsion de l'Union européenne la France entend d'ici à 2030 digitalisée l'ensemble de ces services publics. Dans l'optique de les rendre accessibles à tous. Une démarche accélérée par la pandémie de Covid-19.
Les personnes atteintes d'illectronisme peuvent néanmoins compter sur le soutien de fonds d’entreprise et d’associations. Qui mettent en place des ateliers pour leur apprendre les bases du numérique. Nous nous sommes rendus à Couëron, en périphérie de la métropole Nantaise. Pour assister à un atelier de l'association "Le coup de main numérique". L'atelier se déroule dans le dispositif mobile de l'association. Une petite caravane aménagée dans un but bien précis, comme nous l'explique Solène Routhiau, médiatrice numérique de l'association.
"Pour accompagner les personnes en difficultés sur les démarches en ligne, mais également sur l'apprentissage des bases informatiques. Je reçois les personnes en rendez-vous sur un format d'une heure. C'est un service qui est offert. Nous notre objectif, c'est vraiment d'aller à la rencontre de ces personnes et de pouvoir répondre à ces publics qui peuvent être isoler."
C'est dans ce cadre que Faustine apprend à scanner des documents à l'aide de son téléphone.
F. "Et là on est d'accord je fais..."
S.R. "Renommer. Vous voyez vous enregistrer très très vite."
F. " Là dernière fois je crois aussi que c'était pas terrible."
S.R. "Et puis vous comprenez à quoi sert l'outil."
F."EDF... Et là c'est bon."
S.R. "Et là vous pouvez faire enregistrer."
F "Oui, si je ne le fait pas, on va devoir recommencer".
Face à ces difficultés liées au numérique qui creuse les inégalités et la fracture numérique, l'État a mis en place une enveloppe de 250 millions d’euros. À travers le volet inclusion numérique du plan de relance 2020. Un budget pourtant estimé insuffisant par le Sénat qui réclamait 1 milliard d'euros.
Reportage réalisé par Vincent Le Pape