Suite aux dernières élections législatives, la France parait ingouvernable pourtant, Olivier, bon nombre de pays européens arrivent à gouverner sans majorité dans leur Parlement.
Vu de l’étranger, les résultats des élections législatives ne font pas de la France un pays ingouvernable. En Europe, cette situation est habituelle et oblige les partis à négocier, souvent à trois ou à quatre, pour former un gouvernement avec un contrat de coalition. C'est ainsi le cas en Allemagne, en Finlande, en Autriche, en Belgique, en Italie… Et construire des coalitions n’est pas toujours facile. Ainsi en Allemagne, la coalition entre les 3 partis de gouvernement actuel, les sociaux-démocrates, les Verts et les libéraux a abouti en quelques mois par la signature d’un contrat de coalition de 144 pages (quand même !). Cela ne s’improvise donc pas.
En France, pourrait-on imaginer un contrat de coalition de ce type entre la majorité présidentielle et les Républicains par exemple. Combien existe-t-il d’AOP et d’IGP ?
En France, le mode de scrutin majoritaire à deux tours est prévu pour favoriser les grands partis. On n’a donc pas cette habitude de la négociation d’un contrat de coalition. Aujourd’hui, il semble que la première chose à faire serait de trouver un partenaire fiable, en faisant des concessions, pour pouvoir gouverner avec plus de stabilité. Mais encore faudrait-il qu’un autre parti soit intéressé !
C’est vrai que notre vie politique est très marquée par l’élection présidentielle et il parait très compliqué de se retrouver autour du Président élu après s’être combattu sans retenu …
Et donc, si une coalition n’est pas envisageable, qu’elle pourrait être la solution ?
Une des solutions pourrait être la recherche du compromis au cas par cas, texte après texte qui prévaut par exemple au sein du Parlement européen. À Strasbourg, On n'est pas dans une logique française « majorité contre opposition », mais plutôt dans une logique de recherche de coalitions ponctuelles et il peut y avoir différentes configurations politiques pour soutenir un texte.
Bon nombre de députés européens de tous bords politiques ont présenté sur les réseaux sociaux, cette méthode du Parlement européen comme une solution.
Et comment fonctionne cette culture du compromis au Parlement européen ?
Le Parlement européen a un mode de fonctionnement très différent de l'Assemblée nationale. C’est ce mot de compromis qui permet de le différencier de la méthode française.
Et comme cela s’explique ?
(Déjà) Les députés européens sont élus à la proportionnel. Donc, aucun groupe politique européen ne détient à lui seul la majorité. Aujourd’hui, pour qu’un texte ait des chances de passer, il faut que trois groupes importants se mettent d’accord.
Aussi, la recherche en amont de compromis qui satisferont le plus grand nombre de députés est nécessaire. Des alliances sont obligatoires pour faire adopter des textes.
Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de clivages. Mais au gré des discussions, les partis voient s'ils peuvent s'entendre et construire un accord.
Cette recherche du compromis est facilité du fait qu’au Parlement européen, il n'y a pas de consigne gouvernementales car il n'y a pas de gouvernement. Les propositions de la Commission sont ainsi largement amendées par le Parlement et c'est tout à fait normal.
Avec cette méthode, il faut aussi être conscient que personne n’obtiendra tout ce qu’il souhaite et être prêt à faire des concessions pour trouver un compromis acceptable pour tous.
Avez-vous des exemples de textes adoptés récemment au PE et qui n’aurait pas pu être adoptés sans cette culture du compromis.
L’exemple le plus récent, certainement l’une des mesures phares du paquet climat, adopté par le PE le 8 juin dernier, est le texte qui prévoit la fin de la vente des voitures thermiques neuves en 2035 (essence diésel, hybride). Après de longues consultations, discussions et négociations entre les différents groupes politiques, une majorité a pu se construire autour de la Gauche unitaire européenne, des Socialistes et Démocrates, des Verts et des libéraux de Renew et qui a abouti au vote du texte par 339 voix pour, 249 contre et 24 abstentions.
En France, les prochaines semaines nous diront si ce scénario est envisageable, mais rien n’est moins sûr tant la culture du compromis ne va pas naturellement de pair avec notre système politique
Fréquence Europe est une chronique européenne réalisée par Radio Judaïca et le Centre Europe Direct de Strasbourg.
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