Pour revenir sur l’actualité européenne de la semaine, Poutine a prononcé un discours suite à des référendums d’annexions en Ukraine…
Poutine, s'adressant à l'Ouest a déclaré que les habitants de Lougansk, de Donetsk, de Kherson et de Zaporojie, sont devenus des citoyens russes. Son discours a suscité beaucoup d'attention dans les médias la semaine dernière.
Au-delà de la revendication de la territorialité de l'Ukraine, qu'a-t-il cherché à proclamer en prononçant ce discours ?
En prononçant ce discours, Poutine durcit le ton contre l’Occident, mais il cherche également à rallier le reste du monde à ses ambitions géopolitiques. En effet, d’après Poutine, l’Occident n’utiliserait sa prospérité économique que comme un outil pour avancer sa conquête néocoloniale.
Ce point est d'autant plus intéressant que la diplomatie russe a cherché ces dernières années à encourager les pays qui étaient auparavant des colonies occidentales à s'aligner davantage sur la Russie, notamment en Afrique. L'Occident, force déviante qui soutient de manière futile l'Ukraine, serait donc le dernier obstacle pour Poutine avant qu’il puisse établir un monde multipolaire où l'hégémonie occidentale n'est plus la norme.
Comment le peuple russe a-t-il réagi à ce discours?
Les ultranationalistes comme Alexandre Douguine ont célébré ce discours comme le retour de la puissance de la Russie sur la scène mondiale. Cependant, de nombreux analystes estiment que le ton triomphant de Poutine ne se reflète pas dans la population russe au sens large.
Alors que la mobilisation militaire balaie la nation à la recherche de soldats et que le Kremlin évoque à plusieurs reprises une frappe nucléaire potentielle, le peuple russe est de plus en plus anxieux face à cette guerre : les sondages sur la perception du succès des opérations militaires russes, selon l'institut Levada, sont passés de 73% en mai à 53% aujourd'hui.
Côté élections et état de droit, il y a eu des élections en Bosnie dimanche dernier?
En effet, mais les résultats de ces élections continuent d'être publiés à l'heure où nous parlons. Il est important de noter, par ailleurs, que le système électoral bosniaque est particulièrement complexe en raison du conflit qu'il a connu dans les années 1990. Ainsi, les postes gouvernementaux sont répartis entre les trois ethnies de la nation, les serbes orthodoxes, les croates catholiques et les Bosniaques musulmans.
Le système électoral bosniaque a-t-il rencontré des difficultés d'un point de vue juridique ?
Oui, au fil des ans, la Cour européenne des droits de l'homme a critiqué la politique électorale de la Bosnie, fondée sur l'ethnicité. De plus, des rapports d'ingérence dans le processus électoral continuent de peser sur les élections bosniaques.
Pourtant, la Bosnie n'est-elle pas confrontée à un certain nombre de crises internes qui rendent ces élections encore plus importantes ?
Absolument - Milorad Dodik, membre de la présidence bosniaque, a réussi au cours de l'année écoulée à bloquer toutes les sanctions à l'encontre de la Russie, alors qu'il existe une volonté politique de mise en œuvre de ces sanctions par le peuple bosniaque.
À l'heure où nous parlons, il a été élu à la tête de l'entité serbe de la Bosnie, Republika Srpska, et son parti continue de détenir la représentation serbe à la présidence - ce qui n'augure rien de bon pour ce pays candidat à l'adhésion à l'UE, qui devrait subir d'importantes réformes économiques et juridiques et s'aligner sur la stratégie de sécurité de l'UE s'il voyait son processus d'adhésion évoluer.
La semaine dernière, nous avons parlé de la dimension internationale des luttes contre le changement climatique, ce qui soulève la question : comment la diplomatie internationale assure-t-elle la protection de l’environnement en temps de guerre?
En effet , la question de la protection de l'environnement est devenue un sujet d'une importance diplomatique croissante - la guerre en Ukraine a changé notre rapport à la consommation d'énergie et nous a alerté sur le besoin immédiat de coopération internationale à la fois en termes d'indépendance énergétique mais aussi en termes d'action climatique.
Comment ces enjeux diplomatiques environnementaux se manifestent-ils?
Ces enjeux sont rendus plus évidents par la nécessité de résoudre les problèmes diplomatiques avec les pays auxquels nous achetons désormais de l'énergie à court terme pour compenser notre manque d'importations russes. Les relations avec le Maroc et l'Algérie, qui sont devenus des acteurs clés de l'énergie et de l’environnement, doivent être résolues rapidement, sous peine d'une pénurie d'énergie.
Mais surtout, cette mission diplomatique européenne est importante sur le long terme : la prise de distance avec la Russie peut dynamiser les projets de transition énergétique à l'échelle internationale, avec des projets d'hydrogénoducs, c’est à dire des gazoducs pour l’hydrogène, qui relieraient l’Europe à l’Afrique. Étant donné que l’Europe joue un rôle de leader dans la lutte contre le changement climatique, son pouvoir de rayonnement diplomatique en termes d'adoption d'énergies renouvelables apparaît comme un élément clé de cette lutte environnementale.
Euan Walker avec Laurence Aubron