Nous retrouvons Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université pour sa chronique "Plongée dans les océans". La semaine passée, Sakina nous parlé de l'impact du changement climatique sur les océans. Aujourd'hui, elle observe quelles sont les conséquences sur la vie marine.
Alors il parait que ce mois-ci vous allez nous donner l'eau à la bouche et nous parler d'huîtres, de saumon, de coquilles Saint-Jacques, et de homard, c'est bien ça ?
Oui, en effet ! Et je vous parlerai probablement de poissons au mois d'avril.
Aujourd'hui, pour démarrer, il va donc être question des huîtres.
Oui, les huîtres sont des mollusques bivalves. Elles ont un corps mou, protégé par une coquille composée de deux valves. Les huîtres vivent naturellement sur les côtes rocheuses. Elles ouvrent légèrement leur coquille à marée haute, et filtre l'eau de mer pour se nourrir. A marée basse, elles ferment leurs coquilles de manière hermétique et attendent la marée suivante.
Et de quoi sont faites leurs coquilles ?
Les coquilles d'huîtres sont composées d'un mélange de protéines et d'un minéral appelé aragonite, qui est une des formes du carbonate de calcium. La coquille est fabriquée petit à petit par le manteau, la partie molle de l'huitre qui colle un peu à la coquille. En étudiant la structure et la composition chimique de la coquille on peut retracer les conditions environnementales dans les quelles l'huître à grandit. On appelle cette étude la sclérochronologie.
Et les perles des huitres alors ? Elles sont aussi en aragonite ?
Oui, tout à fait. Mais l'huitre que l'on mange, n'est pas la même que celle qui produit des perles. L'huître perlière des mers chaude est leur cousine. Lorsqu'un grain de sable ou un autre corps étranger se glisse
entre la coquille et le manteau, alors l'huitre va le recouvrir peu à peu d'aragonite en couche concentrique et ainsi créer une perle en nacre.
Et que mangent les huitres ?
Elles filtrent l'eau de mer grâce à leurs branchies qui transportent les particules alimentaires vers leur bouche et leur estomac. Les branchies sont ces parties striées, de couleur grise et parfois vert bleuté. Cette couleur est due à une microalgue, une diatomée appelée navicule bleuet, qui est consommée par les moules. Le pigment bleu-vert de ces diatomées s'accumule dans les branchies de l'huitres et les colore. Ce pigment est appelé la marennine, comme Marennes-Oléron, en Charente Maritime. On pense que ce pigment bleu-vert a des propriétés antivirales, antifongiques, et antibactériennes.
Et combien de temps ça vit, une huître ?
On pense que, dans la nature, les huîtres peuvent vivre 20 à 40 ans. Mais chez les ostréiculteurs, les huîtres vivent en moyenne 3 ans avant de se retrouver sur l'étal des poissonniers. Les huîtres ont un cycle de vie appelé bentho-pélagique, car à l'état adulte elles vivent fixées sur les rochers alors qu'à l'état larvaire les bébés huitres font partie du plancton et sont donc transportés par les courants dans la colonne d'eau. Comme beaucoup d'organismes marins, les huitres produisent donc un très grand nombre de gamètes, pour obtenir un très grand nombre de bébés, car cette phase larvaire planctonique est une étape clef : les larves doivent grandir, sans se faire manger, et trouver un endroit favorables pour s'installer. Elles vont alors se fixer aux rochers et se métamorphoser en jeune huitre, appelée naissain.
Aujourd'hui, on sait faire se reproduire les huitres en écloserie pour élever des larves et approvisionner les ostréiculteurs en naissain. Mais on continue aussi à capter le naissain sauvage en proposant des supports, comme des tuiles, sur lesquelles les jeunes huitres vont se fixer et que l'on va récupérer.
Et parfois dans les huîtres on peut aussi voir une partie blanche un peu renflée.
Oui, il s'agit de ce qu'on appelle la laitance et on dit que les huitres sont "laiteuses". Ce sont en fait les gamètes qui vont permettre la reproduction. On trouve donc des huitres laiteuses surtout pendant leur période de reproduction, qui s'étend de mai à aout.
Si vous observez une huitre, vous pourrez aussi repérer le muscle blanc qui lui permet de fermer sa coquille. C'est ce muscle qui est coupé lorsqu'on ouvre les huîtres pour les manger. Et si vous regarder à côté du muscle, il y a une petite zone grisée qui abrite du liquide et dans laquelle on trouve une sorte de petite boule de quelques millimètres de diamètres. Si vous observez attentivement, vous verrez que cette petite boule se contracte régulièrement : il s'agit du cœur de l'huître. Mais bon, je ne vous oblige pas à observer son cœur battre avant de la manger, c'est à vous de voir !
Sakina Ayata au micro de Cécile Dauguet
Photo : NOAA from Unsplash
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