Plongée dans les océans - Sakina Ayata

La pollution plastique des océans (2/2)

Photo de Catherine  Sheila - Pexels La pollution plastique des océans (2/2)
Photo de Catherine Sheila - Pexels

"Plongée dans les océans", la chronique hebdomadaire qui vous transporte dans la faune et flore marine présentée par Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université.

Sakina, cette semaine vous allez continuer à nous parler de la pollution plastique, et en particulier des microplastiques qui polluent les océans océans.

En effet. Les microplastiques regroupent les débris plastiques les plus petits, c’est-à-dire ceux qui mesurent moins de 5 mm. On pense que 90% de ces microplastiques proviennent de la dégradation d’objets en plastiques plus grands, comme des bouteilles plastiques, des sacs plastiques, ou du matériel de pêche comme les filets. C’est ce que l’on appelle des microplastiques secondaires. Mais il existe aussi des microplastiques primaires, c’est-à-dire directement rejetés dans l’environnement sous forme de petites particules. La majorité d’entre elles sont des fibres synthétiques qui proviennent de l’eau de rinçage de nos machines à laver le linge. On y trouve aussi des particules produites lors du frottement des pneus sur les routes, ou encore des microparticules issues des cosmétiques, comme les microbilles utilisées dans les produits de gommage de la peau ou dans les dentifrices.

Comment font les scientifiques pour étudier ces microplastiques ? 

On peut récolter les microplastiques en utilisant des filets, ou encore en prélevant de l’eau par pompage depuis la surface de l’eau. On peut aussi réaliser des carottages dans les sédiments marins. Les échantillons sont ensuite étudiés au laboratoire pour réaliser des mesures physico-chimiques permettant de caractériser ces microplastiques. On peut aussi les observer au microscope et déterminer les organismes vivants qui s’y accrochent, comme des bactéries, grâce à des méthodes moléculaires de séquençage. On peut aussi simuler sur ordinateur le transport par les courants marins de ces particules plastiques pour comprendre où elles s’accumulent et pourquoi. Enfin, plusieurs méthodes de détection automatique de ces microplastiques ont été mises au point ces dernières années, via des méthodes de fluorescence ou de la microspectroscopie. Malgré cela, on pense que les concentrations en microplastiques dans l’environnement sont probablement sous-estimées à l’heure actuelle.

Sakina, comment peut-on lutter contre cette pollution plastique marine ?

En plus de la collecte de cette pollution, par des volontaires sur les plages ou par des bateaux à proximité des côtes, par exemple, il existe plusieurs leviers, parfois regroupés sous le nom des 3 R, pour « Réduire », « Recycler », et « Ré-utiliser ». Ceci signifie à la fois : 1) Réduire notre production et notre consommation de matière plastique, à la fois à l’échelle individuelle mais aussi au niveau des entreprises et des services publiques, 2) Recycler et favoriser le recyclage de des matières plastiques, ce qui passe par exemple par le tri sélectif pour la collecte des déchets, et enfin 3) Réutiliser le plastique existant, et donc éviter l’utilisation de plastique jetable. Une stratégie 3R efficace passe à la fois par la sensibilisation et surtout l’implication des acteurs, et en particulier des producteurs de plastique et des consommateurs, mais aussi par la mise en œuvre de politiques publiques et de cadres légaux et réglementaires ambitieux, du niveau local au niveau international

Des mesures ont d’ores et déjà été prises au niveau européen pour limiter la quantité de microplastiques que l’on retrouve dans l’environnement, n’est-ce pas ?

En effet, une directive européenne de 2019 réglemente l’utilisation du plastique à usage unique pour 10 produits de la vie courantes, comme les cotons-tiges, les couverts en plastique, les pailles, les gobelets, ou les sacs plastiques. Et à partir du 1er janvier 2030, de nouveaux types d’emballages plastiques à usage unique seront interdits dans l’Union Européenne, comme les emballages de fruits et de légumes frais ou les emballages de portions individuelles pour les sauces. Des discussions sont également prévues pour limiter les pertes de granulés de plastique en mer. 

En revanche, à l’échelle internationale, les dernières négociations menées par les Nations Unies à Busan en Corée du Sud en décembre 2025 n’ont pas encore permis la création d’un instrument juridiquement contraignant pour lutter contre la pollution plastique à l’échelle mondiale, mais les négociations doivent reprendre en 2025. A suivre, donc !

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.