Nous retrouvons Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université pour sa chronique "Plongée dans les océans".
Sakina, cette semaine vous allez nous parler d'océan et intelligence artificielle.
Oui, en effet. L'intelligence artificielle regroupe tout un ensemble de méthodes et techniques permettant de construire des machines "douées d'intelligence", ou tout du moins capables de faire preuve d’un comportement que l’on pourrait qualifier "d’intelligent". On peut ainsi développer des ordinateurs capables de jouer aux échecs aussi bien que les meilleurs joueurs du monde ou encore construire des voitures capables de se conduire elles-mêmes.
Et dans les océans alors ?
Et bien pour étudier les océans, l'intelligence artificielle sert à de nombreuses choses. Je vous avais par exemple parlé de la reconnaissance automatique d'image de plancton. On peut aussi l'utiliser pour fabriquer des robots autonomes chargés de l'inspection et de la maintenance des coques de navires. En fait, l'utilisation de l'intelligence artificielle est de plus en plus utilisée pour étudier les océans, en particulier avec l'arrivée de données massives qui nous renseignent sur l'état des océans.
Oui, vous nous aviez parlé de ces "big data".
C'est ça ! Et à l'interface entre intelligence artificielle et sciences des données, il y a ce que l'on appelle les méthodes d'apprentissage automatique, en gros c'est quand les ordinateurs apprennent à réaliser des tâches particulières.
Et à quoi ça sert ?
L'apprentissage automatique permet de résoudre trois grands types de problèmes. Le premier type de problèmes regroupe les problèmes que l'on ne sait pas résoudre, comme prédire à partir de données de surface enregistrées par satellite la composition de l'écosystème marin en profondeur. Le second type de problème lui regroupe les problèmes que l'on sait résoudre sans trop savoir comment on fait pour y parvenir, comme reconnaître un poisson sur une photo.
Et le troisième type de problème alors ?
Et bien le troisième type de problème rassemble des problèmes que l'on saurait en théorie résoudre mais qui demanderaient trop de ressources informatiques pour y répondre, comme simuler la turbulence à l'échelle de l'océan global. Pour ça on a les codes informatiques pour le faire, mais c'est beaucoup trop gourmand en temps de calcul pour pouvoir réaliser ces calculs même sur de très gros ordinateurs.
Et donc cet apprentissage automatique, ça marche comment ?
Et bien on distingue classiquement deux principaux types d'apprentissage automatique.
Le premier type est appelé apprentissage non supervisé : l'ordinateur apprend alors tout seul à partir des données. De tels algorithmes permettent par exemple d'identifier les zones de l'océan qui présentent les mêmes variations de chlorophylle mesurées par satellites, ou de regrouper des échantillons qui ont des compositions similaires en organismes marins.
Et le deuxième type d'apprentissage automatique ?
Le deuxième type de méthode est appelé apprentissage supervisé : pour cela, l'ordinateur doit s'entrainer pour apprendre à réaliser une tâche particulière, comme identifier des poissons puis reconnaitre les espèces sur les vidéos enregistrées par les caméras situées à bord des bateaux de pêche, ou encore identifier le son produit par différentes espèces de baleines.
On peut donc dire que Océans et Intelligence artificielle forment un couple d’avenir alors ?
Oui, et ce couple offre de nouvelles perspectives aux chercheurs pour quantifier l'impact du changement climatique sur les océans à partir des observations et des modèles, mais aussi pour mieux informer les décideurs, comme par exemple pour définir des quotas de pêche durable ou mettre en place des aires marines protégées et ainsi préserver la biodiversité marine.
Sakina Ayata au micro de Cécile Dauguet
Photo : Crédits photo : iStock/ifish
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