Coopération transfrontalière, rappel à l'ordre de la Commission européenne ; fortement impactée par la crise, Eurostar appelle l'Europe à la rescousse ; une étude révèle des liens étroits entre plusieurs commissaires européens et les industries d'énergie fossile.
Coopération transfrontalière, la Commission européenne met en garde les Etats sur les restrictions aux frontières
Commençons ce journal en évoquant la question de la coopération transfrontalière. Une coopération de plus en plus difficile en Europe, alors que les Etats durcissent les restrictions aux frontières pour lutter contre les nouveaux variants de coronavirus. La Commission vient justement d’adresser une mise en garde aux Etats sur cette question.
Oui, depuis le 14 février, l’Allemagne a effectivement fermé certaines de ses frontières terrestres avec les régions qu’elle classe comme “zones de variants du virus”. Il est ainsi désormais presque impossible d’entrer en Allemagne depuis la Tchéquie ou la région autrichienne du Tyrol. Les travailleurs transfrontaliers doivent pouvoir présenter un test PCR négatif de moins de 72h pour traverser la frontière, et ce même si leur pays d’origine n’est pas frontalier de l’Allemagne. La Slovaquie est également dans ce cas de figure et elle a vivement protesté contre cette mesure qui pénalise l’activité de ses transporteurs routiers.
Mais l’Allemagne n’est pas la seule à agir de cette façon.
La Belgique notamment a aussi interdit les déplacements transfrontaliers non-essentiels, et à partir de lundi, la France demande elle aussi des tests PCR négatifs pour les déplacements non-professionnels entre l’Allemagne et le département de la Moselle, l’un des départements de l’hexagone les plus touchés par la pandémie. Quant aux travailleurs transfrontaliers, ils sont encouragés à recourir au télétravail, et ceux qui se déplacent vont subir davantage de contrôles sanitaires par les polices françaises et allemandes.
La Commission européenne a jugé ces mesures “disproportionnées”. La commissaire à la santé Stella Kyriakides a rappelé que “le virus ne se laisse pas arrêter par des frontières fermées” et qu’il est “erroné de revenir, comme en mars 2020, à une Europe des frontières fermées”.
Oui, l’année dernière ces restrictions avaient de surcroît pénalisé l’action des États en matière de santé en rendant plus compliqués les transferts de patients d’un Etat-membre à un autre. Malgré un règlement du Conseil de l’UE le 2 avril 2020 qui autorisait ces transferts, certains patients avaient ainsi dû être transportés par hélicoptère simplement pour éviter de passer les frontières terrestres.
Ces transferts s’étaient pourtant révélés indispensables du fait des pénuries de matériel ou de saturation des services de réanimation, et ils avaient aussi mis sur le devant de la scène certains acteurs transfrontaliers comme l’hôpital franco-espagnol de Puigcerda.
Pour mieux se coordonner cette fois-ci, la France et l’Allemagne ont entamé depuis mardi dernier des discussions pour mettre en place un protocole sanitaire conjoint pour lutter efficacement contre le virus tout en maintenant ouverte au moins une partie de leur frontière partagée. Ils s’appuieront entre autres sur l’action du Comité de coopération transfrontalière, créé au début de l’année dernière.
Fortement impactée par la crise, l'entreprise Eurostar demande l'aide de l'Europe
Tournons-nous maintenant vers une autre frontière, celle du Royaume-Uni et de la France, et plus précisément de la liaison ferroviaire Eurostar qui emprunte le tunnel sous la Manche. L’entreprise Eurostar a perdu 95% de ses passagers depuis le début de la crise sanitaire, et un collectif rassemblant notamment des eurodéputés a demandé davantage de soutien financier de la part des autorités nationales et européennes.
En effet, cette lettre a été envoyée lundi 22 février par des législateurs de plusieurs tendances politiques : on y trouve la cheffe de file du parti vert britannique Nathalie Bennet et les Verts du Parlement européen, mais aussi les Socialistes et Démocrates, la Gauche unitaire européenne et le Parti populaire européen. Les auteurs de la lettre demandent à la Commissaire européenne aux transports Adina Valean ainsi qu’aux gouvernements français et britannique de fournir un soutien financier à l’entreprise Eurostar.
L’eurodéputé irlandais Ciaràn Cuffe a déclaré que la faillite d’Eurostar “signifierait des pertes d’emplois importantes et porterait un coup sévère au transport durable entre le Royaume-Uni et l’UE”.
La promotion du transport ferroviaire fait pourtant partie des objectifs environnementaux du Green Deal, et en novembre dernier l’UE a désigné l’année 2021 comme “l’année européenne du rail”. Les auteurs de la lettre ont enfoncé le clou en remarquant que les gouvernements nationaux avaient aidé les compagnies aériennes au début de la pandémie. Les discussions entre les gouvernements français et britannique sur un plan de sauvetage d’Eurostar sont en cours.
Une étude révèle des liens étroits entre plusieurs commissaires européens et les industries d'énergie fossile.
Ces mêmes objectifs environnementaux dont nous avons parlé pourraient pourtant voir leur légitimité affaiblie avec la récente publication d’une étude révélant des liens étroits entre les industries d’énergie fossiles et plusieurs commissaires européens.
Tout à fait ! Les recherches de l’ONG Global Witness ont par exemple révélé que le Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrell a travaillé pendant près de dix ans comme ingénieur pour la compagnie pétrolière nationale espagnol Cepsa. Josep Borrell a représenté l’UE lors du sommet climatique de la Cop25 en 2019, et il sera également présent lors de la Cop26 à Glasgow cette année.
L’ONG a aussi cité la commissaire en charge des transports Adina Valean qui a dirigé la délégation du Parlement européen au sommet des Nations unies sur le climat en 2018, alors qu’elle avait auparavant travaillé pour une société détenue par le milliardaire roumain Dinu Patriciu, devenu riche grâce à ses transactions avec la compagnie pétrolière et gazière du Kazakhstan.
Global Witness s’interroge donc quant à la capacité de ces commissaires européens à diriger la diplomatie verte de l’Union européenne. La Commission a répondu aux critiques en affirmant agir dans le respect de son code de conduite et avoir déjà examiné les conflits d’intérêts potentiels parmi son personnel.
Selon ce code de conduite, il n’existe pas de conflit d'intérêt lorsqu’un membre de la famille est concerné, et les commissaires ont officiellement rompu tout lien avec leurs emplois précédents avant de rejoindre la Commission européenne.
L’eurodéputé vert allemand Daniel Freund, a souligné le fait que “malheureusement, c’est la Commission elle-même qui vérifie les éventuels conflits d’intérêts de ses commissaires ». Il a défendu le projet d’organe européen indépendant dédié aux questions d’éthique, actuellement en débat au sein des institutions européennes, et dont il a été le rapporteur.
Ulrich Huygevelde - Romain L'Hostis
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Image : Isriya Paireepairit, CC BY-NC 2.0