L'agence Frontex accusée de refoulements illégaux de réfugiés par la Commission européenne; en Pologne, les manifestations se poursuivent suite aux nouvelles restrictions du droit à l'avortement souhaitées par le gouvernement; en Moldavie, le premier tour de l'élection présidentielle avait lieu ce week-end.
Pour cette édition, intéressons-nous à Frontex, l’agence européenne pour la protection des frontières. La Commission européenne a demandé la tenue d’une réunion urgente du conseil d’administration de Frontex. En cause, des allégations de refoulements illégaux de réfugiés en mer Egée, à l’est de la Grèce. Refouler des réfugiés en mer est pourtant une pratique illégale, n’est-ce pas ?
Tout à fait ! Pour rappel, le refoulement consiste à empêcher un réfugié d’accéder au territoire d’un Etat sans traiter sa demande d’asile. Par exemple, en arrêtant les embarcations de réfugiés en pleine mer. Par opposition, le principe de non-refoulement interdit à un Etat de repousser un réfugié si sa vie est menacée dans son pays d’origine.
Des réfugiés repérés en mer viennent donc peut-être d’un pays où leur vie est menacée. Il est donc interdit de les repousser sans s’être assuré qu’ils n’y courent aucun danger. Au niveau mondial, c’est la Convention de l’ONU de 1951 sur le statut des réfugiés qui pose le principe. Convention ratifiée par 145 Etats.
Pouvez-vous nous dire quels sont les faits reprochés à l’agence Frontex ?
Et bien, ces allégations sont présentées dans une enquête réalisée par plusieurs médias. L’hebdomadaire allemand Der Spiegel, les médias néerlandais Lighthouse Reports et britannique, Bellingcat, ainsi aussi que les chaînes de télévision allemande ARD et japonaise Asahi. Ils affirment posséder une vidéo qui montre un navire de Frontex bloquer le passage d’une embarcation de réfugiés. On y verrait le navire provoquer de grosses vagues pour forcer les réfugiés à repartir vers la Turquie. Les médias soutiennent que Frontex aurait refoulé à au moins 6 reprises depuis le mois d’avril. Ils se basent sur plusieurs vidéos et des témoignages tant de réfugiés que des employés de Frontex.
Les autorités grecques ont fait l’objet plusieurs fois d’accusations similaires ?
En effet, l’enquête pointent aussi du doigt les garde-côtes grecs. Depuis le début de la crise migratoire en 2011, les autorités grecques ont été accusées à plusieurs reprises de refouler des réfugiés de manière illégale. Il faut savoir que la Grèce a souvent demandé l’aide de l’Union européenne. Le pays est en première ligne pour gérer cette situation dramatique et ce, avec peu de moyens.
Le 10 novembre, la Commissaire chargée des migrations, Ylva Johansson, rencontrera les dirigeants de Frontex pour discuter de ces accusations.
Revenons maintenant sur la contestation massive qui secoue la Pologne depuis plusieurs jours. Vendredi passé, près de 100.000 Polonais se sont rassemblés à Varsovie. Ils se sont réunis pour s’opposer à la volonté du gouvernement polonais de limiter drastiquement le droit à l’avortement.
Tout à fait, la gigantesque manifestation de vendredi a marqué le point culminant de 9 jours de contestation nationale. Le 22 octobre, le Tribunal Constitutionnel polonais a jugé inconstitutionnel l’avortement réalisé pour des raisons de malformations du fœtus. Cette décision rogne un peu plus le droit à l’avortement déjà fortement limité en Pologne. En effet, suite à cette décision, celui-ci est uniquement permis si la grossesse est due à un viol ou si la vie de la mère est en danger.
Depuis la décision du tribunal, jusqu’à 430.000 manifestants se sont rassemblés dans les grandes villes du pays. Ils manifestent pour une refonte du cadre légal pour l’avortement ainsi que plus largement contre le parti conservateur au pouvoir, Droit et Justice. Le Tribunal Constitutionnel est d’ailleurs considéré comme téléguidé par les conservateurs.
C’est la première fois qu’un si grand nombre de Polonais sortent dans la rue depuis Solidarnosc. Ces manifestations massives de travailleurs polonais qui avaient contribué à la chute du régime communiste, dans les années 80. Comment réagissent aujourd’hui les autorités polonaises ?
Et bien, devant la contestation, le président Andrej Duda, du parti Droit et Justice, a fait une très légère concession. Il a introduit vendredi un amendement à la législation, pour permettre l’avortement si la probabilité que l’enfant décède est élevée. Néanmoins, les autorités ont dénoncé les manifestations, notamment en insistant sur les mesures sanitaires en vigueur. Jaroslav Kacinsky, le président du parti conservateur, a quant à lui été plus virulent, tenant un discours très nationaliste. Il a vilipendé ces forces qui, selon lui, veulent en finir avec la nation polonaise.
Terminons en évoquant la Moldavie ! Ce dimanche, s’est tenu le premier tour de l’élection présidentielle. Une élection qui oppose une candidate pro-européenne, Maia Sandu, et le président en place considéré comme prorusse, Igor Dodon. Maia Sandu est en tête après ce premier scrutin, avec 35,7 % des voix, légèrement devant Dodon, qui a lui 32,87%. Cette élection constitue un enjeu important pour un pays coincé entre l’Union européenne et la Russie ?
Tout à fait, comme dans d’autres pays dans la région, les élections peuvent décider de l’orientation internationale de la Moldavie. Maia Sandu, libérale et pro-européenne, a été première ministre de juin à novembre à 2019. Elle est très appréciée au sein de l’Union européenne. A noter que 81% des émigrés moldaves, notamment ceux qui travaillent dans l’Union européenne, ont voté pour elle. Ils sont entre 1 et 1,2 million à avoir quitté le pays pour fuir l’absence de perspective et la corruption. Pour rappel, la Moldavie compte un peu plus de 3 millions d’habitants.
Igor Dodon, président sortant, est résolument orienté vers la Russie et est issu de la partie russophone du pays. Durant la campagne, il a notamment promis une coopération bénéfique avec la Russie et l’apprentissage du russe à l’école. Je rappelle que la Moldavie est majoritairement roumanophone.
Selon les analystes, chaque élection en Moldavie se caractérise par cette opposition entre forces pro-européennes et pro-russes. Que pouvez-vous nous dire sur le second tour ?
Le second tour aura lieu le 15 novembre. Le résultat dépendra surtout des consignes de votes des candidats déçues du premier tour. Plusieurs autres candidats pro-européens étaient en lice. Maia Sandu devrait réussir à fédérer ces votes. Tandis qu’Igor Dodon devrait bénéficier des votes de la formation populiste anti-système appelée « Notre Parti ». Le résultat devrait être extrêmement serré.