Alors que la crise sanitaire bouscule les modes de déplacement, avec un transport aérien en grande difficulté, le transport maritime est lui presque victime de son succès en ce début d’année 2022. Le transport est désorganisé par des dysfonctionnements liés à une demande très forte et une logistique dépendante des confinements décrétés par région ou par pays.
Les armateurs sont les grands gagnants de cette crise, comme nous l’a expliqué Paul Tourret, Directeur de l'ISEMAR, l’Institut Supérieur d’économie maritime situé à Saint-Nazaire.
Cette crise ne fait pas que des malheureux et notamment au niveau des armateurs qui ont peut-être profité de cette crise pour augmenter les prix et ça va plutôt bien pour eux.
On raconte que leurs bénéfices de cette année sont équivalents à ceux des 10 dernières années. C'est simple, en fait. Quand vous avez une demande qui est plus forte que l'offre, c'est à peu près normal que les prix augmentent. Les chargeurs, veulent absolument que les marchandises partent et donc ils acceptent aussi ces prix-là.
Il n’y a personne qui veut laisser ses conteneurs, qui refuse cette rapidité.
Pourquoi ?
C'est simple, on a peur des confinements. Cela peut concerner le confinement du port américain, du port chinois, le confinement de l'usine chinoise ou le confinement du centre commercial. Les Pays-Bas, par exemple, ont mis en place un confinement. Chacun a alors peur que la porte se referme derrière lui ou devant lui. Derrière lui, c'est le port ou l'usine chinoise. Devant lui, c'est le centre de distribution européen. Tout ça entretient un espèce de court terme, et les armateurs sont dans une position de force.
Qui sont ces armateurs ?
Aujourd'hui, et c'est une des révélations de cette crise, il y a 4 à 7 grands armateurs dans le monde. Il y a 4 européens, le danois Maersk, l'italo-suisse Mediterranean Shipping Company le français CMA CGM et l'allemand Hapag-Lloyd AG. Autant on peut voir que nos compagnies aériennes européennes peuvent être victimes de la crise, autant on a 4 armateurs européens qui sont en train de gagner des fortunes. Des fortunes d'ailleurs qui sont réinvesties dans les bateaux.
On est donc en train de créer une bulle de prospérité pour les armateurs qui nous vient effacer la bulle maussade des années 2010. Et peut être qu'on est en train, par cette crise, de permettre aux armateurs de se positionner sur cette décennie et d'entamer la décennie dans une position de force.
Cet enrichissement des armateurs, n’est-elle pas pour eux l'occasion de modifier leur flotte pour des bateaux plus écologiques et aller ainsi vers un transport maritime décarboné ?
Alors c'est peut être une leçon positive, l'occasion d'une grande modernisation avec une capacité financière pour le faire. Les armateurs ont les moyens d'engager cette innovation, cette bulle de prospérité du maritime et va être réinvesti.
Il ne faut pas oublier que ce sont des familles d'armateurs et non des actionnaires. Il n’y a pratiquement pas d'actionnaire aujourd'hui qui profite de ce boom.
Paul Tourret au micro de Cécile Dauguet