15%... C’est la part de femmes dans le monde du journalisme sportif. Environ 20%, c’est la place laissée aux sports féminins dans les médias européens. Comme quoi, les femmes ont encore des difficultés à se montrer et à se faire connaître dans ce monde d’hommes. Pour en parler avons reçu Géraldine Pons, ancienne rédactrice en chef Rugby et Equitation pour les antennes d’Eurosport et aujourd’hui directrice des sports pour Eurosport France.
Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
“Mon parcours est assez classique. École de journalisme puis plusieurs stages en télé à LCI puis j’ai basculé au sport en travaillant pour Téléfoot. J’ai ensuite continué sur Eurosport parce que c’est ce que je voulais faire. J’ai commencé à présenter des émissions, puis le journal. J’ai ensuite grimpé dans la hiérarchie en devenant rédactrice en chef et directrice des sports aujourd’hui.”
Personnellement, avez-vous eu des difficultés à vous imposer dans ce monde d’hommes ?
“ Pas tant que ça. Au début on m’a regardé un peu de haut. Donc j’ai travaillé deux fois plus. À partir du moment où mes collègues se sont rendus compte que je travaillais bien et que j’avais une expertise, je n’ai plus été remise en question. Mais c’est vrai que j’ai pu voir qu’il y avait toujours une petite retenue à l’idée de travailler avec des filles."
Récemment, plusieurs journalistes masculins ont déclaré publiquement que les commentatrices pouvaient les déranger ? Qu’en pensez-vous ? Et que leur répondez-vous ?
“Chez nous à Eurosport, des femmes commentent du sport féminin et masculin. J’ai deux femmes qui commentent du Volley, du Tennis et cela ne pose aucun souci ni à mes collègues, ni aux téléspectateurs? Je m’aperçois qu’à partir du moment où on l’impose et que les filles qui travaillent le font bien, il n’y pas de problème. Je crois qu’on n'était pas habitué et donc maintenant il y en a de plus en plus et maintenant on s’y fait très bien.”
Le sport féminin peine encore à s’imposer à la télévision. Comment l’expliquer ? Les raisons sont-elles liées à des stéréotypes ou à des objectifs économiques ?
“On partait de très bas. Aujourd’hui à Eurosport on a 1800 heures de diffusion de sports féminins ou de sports fait par les femmes. La première raison est que les détenteurs de droits vendaient d’abord le sport fait par des garçons et après celui des filles. Après certaines compétitions féminines n’étaient pas très Téléfriendly. C’est-à-dire que la retransmission était parfois difficile, avec peu d’infrastructures. Mais ça évolue et des sports comme le tennis ou le biathlon ont pris le créneau de la parité. Et enfin il y a aussi des positionnements de grille avec la signature de contrats en fonction de l’audience.”
Si les questions économiques et d’audience sont tellement importante, comment faire évoluer les choses ?
“Quand vous êtes une chaîne privée c’est compliqué. On n'est pas là pour perdre de l’argent non plus. Je pense que la sensibilisation au sein des Fédérations peut jouer un rôle. Elles peuvent mettre le paquet sur le sport féminin, en permettant aux filles de jouer sur de vrais terrains ou dans de belles salles. Et tout cela permet de faire évoluer les choses. Il a beaucoup plus de sport féminin à la télévision qu’avant. Et petit à petit avec des niveaux qui augmentent, qui deviennent plus équitables, les compétitions deviennent plus intéressantes.”
Finalement, pourquoi les choses évoluent ? C’est grâce aux journalistes ? La société civile ?
“C’est un peu tout. Je crois que c’est un cercle vertueux. Les médias jouent de plus en plus le jeu avec les 24 heures du sport féminin: première prise de conscience du CSA. Nous, à Eurosport, cet exercice, on le pratique depuis longtemps. Il faut que les médias jouent le jeu, que les Fédérations aussi, que les clubs donnent les moyens à leurs équipes féminines. Et puis ce sont les femmes aussi qui disent aujourd’hui qu’elles ont envie d’être médiatisées.”