Les 1001 héroïnes

Les 1001 héroïnes de Eléonore Stevenin - Alice Guy (France) #15

Les 1001 héroïnes de Eléonore Stevenin - Alice Guy (France) #15

Bonjour et bienvenue dans cet épisode de 1001 héroïnes, une chronique qui vous fait découvrir chaque semaine des héroïnes européennes de livres ou de films ! 

Saviez-vous que le tout premier film de fiction de l’histoire du cinéma avait été réalisé… par une femme ? En 1895, les frères Lumière ont inventé le cinématographe. Et moins d’un an après, une jeune femme visionnaire de 23 ans réalise La Fée aux choux pour son employeur Léon Gaumont : un court-métrage vraiment drôle dans lequel une fée sort des bébés d’un champ de choux ! Cette visionnaire, elle s’appelle Alice Guy. Et sa prouesse marque les débuts du cinéma tel qu’on le connaît actuellement. La Fée aux choux, c’est l’ancêtre de Wonder Woman et de tous les autres films de fiction finalement ! Mais alors, pourquoi cette pionnière est si peu connue ? Pourquoi, même quand on se lance dans des études de cinéma, on entend si rarement parler d’elle ? Vous vous en doutez peut-être, le fait qu’Alice Guy soit une femme y est pour beaucoup.

Heureusement, ces dernières années, Alice Guy est réhabilitée…

Oui, clairement ! Globalement, grâce aux militantes féministes, on parle davantage aujourd’hui des femmes oubliées (ou plutôt effacées) de notre histoire. Et Alice Guy en fait partie. En 2011, plus de 100 ans après, Martin Scorsese lui remet un prix à titre posthume, la récompensant pour l’ensemble de sa carrière. Depuis 2018, un prix porte même son nom : le prix Alice Guy, créé par Véronique Le Bris, récompense chaque année une réalisatrice, après un vote du public ; d’ailleurs, les votes sont ouverts jusqu’au 31 janvier 2022 pour élire la réalisatrice de l’année 2021 ! Il y a également un film documentaire intitulé Alice Guy, l’inconnue du 7e art, réalisé par Valérie Urrea et Nathalie Masduraud et disponible sur Arte.tv jusqu’au 5 mars 2022. 

Mais aujourd’hui, j’aimerais surtout vous parler d’une bande dessinée. Vous connaissez peut-être Catel et Bocquet, ce couple de bédéistes auteurices de plusieurs romans graphiques géniaux. Publiés aux éditions Casterman dans une collection intitulée “Les clandestines de l'histoire", ils racontent les vies de Kiki de Montparnasse, Josephine Baker, Olympe de Gouges… et Alice Guy ! Ce sont des ouvrages absolument passionnants de plusieurs centaines de pages (400 pour Alice Guy), qui font aimer les biographies même aux plus récalcitrants ! On part donc sur les traces de la réalisatrice, on découvre qu’elle a réalisé plus de 500 films en France et qu’elle a créé sa propre maison de production avant de partir aux Etats-Unis, où elle a construit un studio de cinéma dans le New Jersey. Elle a réalisé le premier péplum de l’histoire du cinéma, le premier making-off… Dans le livre, on comprend aussi mieux les raisons de sa “disparition” des livres d’histoire : son mari a dilapidé la fortune du couple par des investissements douteux… Divorcée, ruinée, elle tombe dans l’oubli. Certains de ces films ont disparu, d’autres ont été effacés, d’autres encore ont été attribués à des hommes de son entourage. A la fin de sa vie, Alice Guy a rédigé ses mémoires, mais ils ne seront publiés que 8 ans après sa mort par une association féministe… et seront bien peu diffusés.

De toute façon, le mal était fait : Alice Guy était oubliée. 

Eh oui. C’est pour ça que des démarches comme celle de Catel et Bocquet sont importantes. Ils poursuivent avec ce roman graphique leur mission : sortir des héroïnes de la clandestinité et rendre leurs parcours accessibles au plus grand nombre, grâce à la BD. Ils expliquent très bien comment les trajectoires de ces femmes éclairent l’histoire universelle avec un nouveau point de vue, un point de vue qui n’oublie pas les femmes. Par leurs biographies-graphiques extrêmement bien documentées, ils montrent ainsi ce que les féministes disent depuis longtemps : oui, les femmes ont fait plein de choses ! Elles ont écrit, inventé, réalisé. Le problème, c’est que le patriarcat les a effacées. 

Et pour découvrir d’autres essais sur le féminisme, ou bien des romans, des BD, des films et des séries, je vous conseille le site 1001heroines.fr. 750 autres œuvres y sont référencées !