Euan Walker est chargé de missions internationales à Mines Paris –
PSL et assistant de recherche et d’enseignement à l’ESSEC. Diplômé en
histoire et en sciences politiques de Durham University et de la
Ruprecht-Karls Universität Heidelberg, il poursuit actuellement un
master en économie et politique publique à l'ESCP. Ses analyses sont
publiées sur la page Europe Info Hebdo.
Cette semaine, Euan Walker et Laurence Aubron discutent des réformes du marché du carbone de l'UE et des enquêtes sur les menaces potentielles du ChatGPT.
Pour en revenir à l'actualité européenne de la semaine, le Parlement européen s'est récemment prononcé sur le plan climat de l'UE...
En effet, le 18 avril dernier, le Parlement européen a voté en faveur du plan climat de l'Union, y compris les réformes du marché du carbone de l'UE.
En quoi consistent ces réformes approuvées ?
En ce qui concerne la réforme du marché européen du carbone, le texte actuel prévoit une accélération du rythme de réduction des quotas d’émissions permis. Baisser d'ici 2030 de 62 % par rapport à 2005 (sachant l’objectif précédent est de 43 %) - ceci entraînera en théorie une baisse immédiate des émissions industrielles.
Plus controversé encore, un second marché du carbone est prévu pour le chauffage des locaux et les carburants routiers. Les ménages paieront un prix du carbone sur les carburants et le chauffage à partir de 2027, mais le texte prévoit un plafond de 45 euros par tonne, au moins jusqu'en 2030.
Comment cette deuxième réforme a-t-elle suscité la controverse ?
Lors de la session plénière du Parlement européen consacrée à ce vote, les Verts français n'ont pas caché leur mécontentement face à ce qu'ils considèrent comme une pression supplémentaire sur les ménages européens du fait de l'ajout de ce deuxième marché du carbone. Ils craignent qu'une telle loi ne conduise à une résurgence, à l'échelle européenne, d’un mécontentement type "gilets-jaunes".
Quelle est votre position à ce sujet ?
Dans une course compréhensible pour atténuer les dommages causés à l'environnement, il est nécessaire de s'assurer que la transition verte est mise en œuvre de manière équitable, conformément à ce que promet le Green Deal européen. Cette réforme du marché du carbone semble promettre la mise en œuvre d'une telle équité par le biais d'un fonds social pour le climat de 87 milliards d'euros. Ce fonds vise à soutenir financièrement les ménages dans leurs changements de comportement.
Cependant, il ne s'agit là que d'une des questions où l'écologie et les troubles sociaux potentiels semblent s'entremêler. Voyez les manifestations des des agriculteurs néerlandais et français. Ou encore plus récemment, les agriculteurs andalous qui font pression sur leurs gouvernements locaux pour qu'ils autorisent l'utilisation des eaux protégées des lagunes de Doñana afin de compenser la sécheresse excessive de leurs récoltes. Il est évident que la politique climatique ne concerne pas seulement les consommateurs, mais doit prendre en compte tous nos processus de production et présenter des procédures de transition justes qui réduisent les tensions sociales.
Enfin, les logiciels d'intelligence artificielle ont à nouveau suscité des inquiétudes dans les pays européens...
Tout à fait : après avoir été bloqué de manière temporaire en Italie, le logiciel ChatGPT du développeur OpenAI est le sujet d'une enquête en France et en Espagne pour crainte d'un abus des données personnelles des utilisateurs par l'entreprise américaine. En effet, compte tenu du fait qu'OpenAI n'a pas de siège européen qui serait destinataire de toutes les enquêtes sur la protection des données, chaque État membre de l'Union européenne doit mener ses propres enquêtes indépendantes sur cette technologie de rupture s'il le juge nécessaire...
L'Union européenne est-elle bien préparée à l'arrivée de ces technologies sur le marché ?
La question de la préparation de l’Europe face à cette technologie dépend au final de savoir d'où vient cette angoisse actuelle. Vient-elle des questions de confidentialité des données personnelles ? N'y a-t-il pas plutôt une préoccupation plus large qui se développe en Europe concernant l'impréparation du marché du travail européen à faire face à ChatGPT ? Il s'agit quand même du premier logiciel qui pourrait potentiellement menacer des sections entières du marché du travail de la classe moyenne. Compte tenu de l'ampleur du défi et de ses effets d'entraînement indéniables en termes d'éducation, d'emploi et de travail, les discussions à l'échelle européenne qui suivront cette première vague d'enquête seront décisives pour dessiner le visage du travail dans l'UE au cours des prochaines années.
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Entretien réalisé par Laurence Aubron.
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English version :
The European Parliament and the EU climate plan
This week, Euan Walker and Emilie Finck discuss EU carbon market reforms and investigations into potential threats from ChatGPT.
Returning to Europe's news of the week, the European Parliament recently voted on the EU’s climate plan…
Indeed Emilie, on the 18th of April, the European Parliament voted in favour of the Union's climate plan, including reforms to the EU's carbon market.
What do these approved reforms consist of?
Regarding the reform of the EU carbon market, the current text foresees an acceleration of the rate of reduction of emission allowances. A reduction of 62% by 2030 compared to 2005 is expected (keeping in mind that the previous target was 43%) - this will in theory lead to an immediate drop in industrial emissions.
More controversially, a second carbon market is planned for homes and road fuels. Households will pay a carbon price on fuel and heating from 2027, but the text sets a cap of €45 per tonne, at least until 2030.
How was this second reform controversial?
During the European Parliament plenary session dedicated to this vote, the French Greens did not hide their dissatisfaction with what they see as an additional pressure on European households due to the addition of this second carbon market. They fear that such a law could lead to a Europe-wide resurgence of "yellow jacket" or “gilets-jaunes” type discontent.
What is your position on this, Euan Walker?
In an understandable race to mitigate environmental damage, it is necessary to ensure that the green transition is implemented fairly, as promised by the European Green Deal. This reform of the carbon market seems to promise the implementation of such fairness through an 87 billion euro social climate fund. This fund aims to financially support households in changing their behaviour.
However, this is just one of the issues where ecology and potential social unrest seem to be intertwined. Look at the protests of Dutch and French farmers for example. Even more recently, Andalusian farmers have been pressuring their local governments to allow the use of the protected waters of the Doñana lagoons to compensate for the excessive dryness of their crops. It is clear that climate policy is not only about consumers, but must take into account all our production processes and present fair transition procedures that reduce, ultimately, these social tensions.
Finally, artificial intelligence software has once again raised concerns in European countries…
Absolutely Emilie : after being temporarily blocked in Italy, the ChatGPT software from the developer OpenAI is the subject of an investigation in France and Spain for fear of abuse of users' personal data by the American company. Indeed, given that OpenAI does not have a European headquarters that would be the recipient of all data protection investigations, each EU Member State must conduct its own independent investigations into this disruptive technology if deemed necessary…
Is the EU well prepared for the arrival of these technologies on the market?
The question of Europe's preparedness for this technology ultimately depends on where the current anxiety comes from. Does it come from issues of personal data privacy? Or is there a wider concern developing in Europe about the unpreparedness of the European labour market to deal with ChatGPT? In effect, this is the first piece of software that could potentially threaten large parts of the middle class labour market. Given the scale of the challenge and its undeniable ripple effects in terms of education, employment and work, the Europe-wide discussions that will follow this first wave of investigation will be decisive in shaping the face of work in the EU in the coming years.
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Interview by Emilie Finck.