Smart cities, smart citizens

L’Islande : Nature vs Tech ?

© pexels (Rangárþing ytra en Islande) L’Islande : Nature vs Tech ?
© pexels (Rangárþing ytra en Islande)

Une chronique de Christine Le Brun, Experte Smart Cities & Places chez Onepoint, où nous parlerons de villes, d’outils et de technologies numériques, de données, mais aussi des citoyens et de ceux qui font les villes.

Aujourd’hui vous nous emmenez en voyage, et pas n’importe où : en Islande… Quand on pense numérique, ce n’est pourtant pas l’endroit qui nous vient en premier à l’esprit, alors pourquoi ce sujet ?

La semaine dernière, j’ai regardé un super documentaire qui parlait des volcans et de l’Islande et qui m’a remémoré le voyage que j’y ai fait en 2022. A l’époque cela m’avait pas mal fait réfléchir, alors maintenant qu’on se connait un peu, j’ai eu envie de partager cela avec les auditeurs. Cela fait une dizaine d’année que je travaille sur les territoires intelligents, et depuis que j’ai commencé cette chronique, je vous ai beaucoup parlé de technologie, de data, ou d’objets connectés. Or, quand je suis allée en Islande, tout cela m’a paru futile, mercantile voire inutile, et m’a vraiment fait douter de mon métier.

Pourquoi ce sentiment, qu’est ce qui s’est passé, et qu’avez-vous ressenti là bas ?

L’Islande, c’est la nature brute, voire brutale ; des paysages fascinants où l’on se sent ailleurs, et tout petit. Quand je dis ailleurs, ce n’est pas loin de ma Bretagne, ou de la France, mais loin de tout, et même de la planète Terre. Dans ce pays, le feu côtoie la glace ; il y a des bouts d’icebergs qui s’échouent comme d’énormes diamants sur des plages de sable noir ; le soleil joue entre les nuages pour illuminer les fjords ; la terre fume, bouillonne et crache ; et rien qu’en restant sur la route principale vous pouvez dans la même journée traverser 3 champs de lave très différents les uns des autres et longer un glacier sur plus de 50km ! Ce décor fabuleux a eu un effet très apaisant sur moi. Tout me semblait si loin de mon quotidien, de la technologie, et en même temps si parfait, que je me disais « mais pourvu que le smart n’arrive jamais jusqu’ici ! ». C’est un peu radical, il est vrai… Mais en même temps, ici, pas de problème de mobilité : il n’y a jamais de bouchons. Pas de problème de qualité de l’air : il y a trop de vent pour que la moindre particule fine ait le temps d’atteindre vos poumons. Pas de problèmes de sécurité : l’Islande compte moins de 2 meurtres par an. En gros, ici, je n’aurais pas de boulot, et je trouvais que c’était tant mieux !

Je vois, c’était comme une petite crise de sens, donc. Mais ce sentiment a évolué, et vous avez réussi à recoller les morceaux entre la nature et la technologie. Où s’est situé le déclic ?

En milieu de séjour, pour vérifier l’accessibilité d’un itinéraire passant par le centre du pays, j’ai testé Road.is. C’est le site de référence qui informe en temps réel sur l’état des routes. En effet en Islande, les conditions météo changent rapidement et de manière parfois violente. Une simple balade dans les collines peut facilement se transformer en véritable expédition. Tout le monde utilise donc cette application qui vous est fortement recommandée dès l’instant où vous récupérez votre voiture de location. Elle est très ergonomique, et elle croise sur une carte toutes les pistes et les routes, avec des infos en temps réel : la météo relevée dans des centaines de stations, des webcams, et le comptage des véhicules qui sont passés dans les 2 sens, depuis le début de la journée et surtout dans les dernières heures. Cela permet au voyageur de se faire rapidement une idée précise de l’état réel de la route qu’il souhaite emprunter et de prendre une décision éclairée.

Et pour faire ça, il y a pas mal de technologie donc ?

Évidemment ! Pour que cela fonctionne et soit fiable, il faut pas mal d’objets connectés, et un réseau de qualité. De ce côté, j’ai pu constater qu’en Islande, la couverture est excellente, même dans des endroits très reculés. Pour autant, les infrastructures restent très discrètes. Road.is illustre selon moi une forme de « démarche smart » du territoire. On concentre les efforts techniques sur un socle réseau fiable, puis on développe des cas d’usage pertinents qui s’appuient sur celui-ci. Pas difficiles à développer, mais d’une utilité publique incontestable pour les citoyens, comme pour les équipes d’entretien et de secours. C’est la mise en œuvre d’une intelligence pragmatique, d’une utilisation éclairée de la technologie au service des besoins de la population. Et dans ce cas précis, ce besoin peut parfois devenir vital.

Et vous voilà donc réconciliée avec vous-même ?

On peut dire qu’en quelque sorte cette application m’a permis de réduire ce que je percevais comme un écart entre mes convictions, mon quotidien professionnel, et mon ressenti au contact de la nature dans sa toute-puissance. Au final, il ne s’agit pas d’opposer ou de choisir entre nature et numérique. En Islande ou ailleurs, dans un projet de territoire intelligent, tout est une question de mise en perspective. On peut faire des choses extraordinaires avec les technologies numériques, et encore plus aujourd’hui avec l’intelligence artificielle. Mais le vrai sujet est de proposer des solutions adaptées à chaque besoin, pour des usages réfléchis. Alors continuons à innover, mais de manière utile et responsable !

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.