La semainière de Quentin Dickinson

Des citoyens qui font davantage confiance aux entreprises qu’aux gouvernements - Quentin Dickinson

Des citoyens qui font davantage confiance aux entreprises qu’aux gouvernements - Quentin Dickinson

Alors, avez-vous passé une bonne semaine ?

Plutôt, oui, merci, même si, dans l’ensemble, les nouvelles ne sont pas particulièrement réjouissantes.

Mais commençons par le Forum économique mondial à DAVOS (et, c’est promis, on n’y reviendra plus cette année). S’agissant des participants, les statistiques sont parlantes : on aura dénombré 600 p.d.g., 58 ministres des Finances, 35 ministres des Affaires étrangères, et 19 gouverneurs de banque centrale, autour de 400 conférences. Ah oui, et les femmes représentent cette année 42 % du total. Et, comme chaque année, on se demande ce qu’il en sort, et à quoi cela sert ; et, comme chaque année, on nous répond que réunir dans l’informalité organisée les puissants de ce monde ne peut que mettre du lubrifiant dans les rouages économiques et politiques de la planète. Dont acte.

Traditionnellement, à DAVOS, on prend connaissance du résultat de sondages ; cette fois-ci, le Baromètre EDELMAN constate que les citoyens font davantage confiance aux entreprises qu’aux gouvernements, et qu’à mesure que l’on descend dans le niveau de pouvoir d’achat, moins l’on a confiance dans les institutions. On découvre aussi qu’un bon millier d’entreprises importantes ont quitté la Russie depuis le début du conflit en Ukraine, c’est-à-dire quatre fois plus qu’en vingt ans d’apartheid en Afrique du Sud.

De son côté, le sondage de PwC estime à 73 % le niveau de pessimisme des p.d.g. quant à l’avenir de l’économie mondiale à court et à moyen terme.

À part cela, comme on pouvait s’y attendre, les gourous de la cryptomonnaie rasent les murs, et les dirigeants des multinationales technologiques, qui licencient actuellement à tour de bras, sont (presque) aussi discrets.

Enfin, un détail : les ministres conservateurs britanniques sont absents, alors que l’opposition travailliste est là en nombre.

Et pendant ce temps, à STRASBOURG…

…se réunissait le Parlement européen en session plénière mensuelle. Difficile d’évoquer les travaux de cette assemblée, puisque la semaine a été phagocytée par les suites (et pas encore la fin) du scandale du Qataro-marocogate. Le cerveau de l’entreprise de corruption, l’ancien eurodéputé socialiste reconverti dans les ONG Pierantonio PANZERI, s’est brusquement mis à table et dénonce et charge tous ses complices, en échange de la garantie d’une condamnation à cinq ans de prison, dont seul un an effectif, mais cependant aménagé par le port d’un bracelet électronique.

Il a bien fallu remplacer la vice-présidente du Parlement européen impliquée dans l’affaire, la socialiste grecque Eva KAÏLI. C’est son camarade de groupe politique, Marc ANGEL, qui a été élu : il est luxembourgeois - effectivement, on a dû vouloir limiter les risques.

Enfin, les députés européens, à une très large majorité, ont accordé au Procureur général européen la faculté de demander la levée de l’immunité parlementaire de ceux des leurs soupçonnés d’infractions pénales, pouvoir jusque-là réservé aux parquets des États-membres de l’UE. Rien à voir avec le scandale du moment, bien sûr.

La guerre en Ukraine continue de révéler des différences d’approche entre Européens…

En effet, et cette fois-ci, c’est à l’occasion de la réunion des ministres de la Défense de la cinquantaine de pays opposés à l’invasion russe, qui s’est tenue à la base aérienne américaine à RAMSTEIN en Rhénanie-Palatinat. En dépit de très fortes pressions de ses alliés, l’Allemagne a continué de reporter son éventuelle fourniture à l’Ukraine de chars lourds Leopard-2, tout en n’interdisant pas explicitement aux autres pays possesseurs de ces engins de le faire. Comme suite à la démission de son ultra-gaffeuse ministre de la Défense, l’Allemagne en a un nouveau, le nommé Boris PISTORIUS, dont on ne sait trop quoi penser : ce spécialiste de la sécurité intérieure, mais sans expérience militaire, se trouve être un très proche de l’ancien Chancelier Gerhard SCHRÖDER, figure tutélaire du lobby pro-russe à BERLIN – M. PISTORIUS aurait même convolé avec l’une des ex-épouses de M. SCHRÖDER.

Toujours au chapitre défense, une nouvelle source d’inquiétude pour les Européens ?

Vladimir POUTINE conduit sa guerre contre l’Occident avec tous les moyens à sa disposition : jusqu’ici, ceux-ci étaient militaires, dans la cyberguerre, et dans la désinformation. On vient de s’apercevoir qu’il entend y ajouter les migrations, car on observe l’augmentation, difficilement justifiable par le commerce ou le tourisme, des vols réguliers entre les pays d’Afrique du Nord et l’enclave russe de KALININGRAD, laquelle jouxte la Lituanie et la Pologne, deux membres de l’UE. Le soupçon, c’est que MOSCOU tente de forcer leurs frontières à l’aide de milliers de migrants.

En dépit de ces perspectives plutôt sombres, il y a tout-de-même eu une nouvelle positive la semaine dernière ?

C’est incontestablement le Sommet franco-espagnol de BARCELONE. Pour faire court, le noyau central de l’économie de l’Union européenne est désormais constitué de l’Espagne, de l’Italie, de l’Allemagne, avec, en son cœur, la France.

En deux mots, la semaine actuelle ?

C’est beaucoup plus calme que la précédente : un Conseil des ministres des Affaires étrangères, essentiellement sur l’Ukraine, mais avec un (rare) déjeuner avec le Premier ministre de la Palestine ;

et puis, la réunion informelle semestrielle des ministres de la Justice et de l’Intérieur à STOCKHOLM.

On notera aussi les progrès inattendus dans la négociation entre LONDRES et MADRID sur le statut de GIBRALTAR, qui ne figurait pas dans les accords du Brexit.

Entretien réalisé par Cécile Dauguet.