La semainière de Quentin Dickinson

La semainière de Quentin Dickinson

©Gage Skidmore - Wikimedia Commons La semainière de Quentin Dickinson
©Gage Skidmore - Wikimedia Commons

Retrouvez chaque semaine la semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.

Alors, QD, comment allez-vous en ce début d’année ?...

A dire vrai, je ne me souviens pas d’un millésime nouveau débutant à ce point dans un monde en proie à toutes les incertitudes – même la guerre civile en Yougoslavie des années 1990, pour tragique qu’elle fût, n’engendrait rien de comparable au sentiment actuel que tous les boulons de la géopolitique sont desserrés.

Vous pensez évidemment à l’effet TRUMP…

Bien sûr, mais pas uniquement. TRUMP, Saison 2, domine, c’est une évidence… à cela près que l’on est incapable de distinguer la provocation de la mise en condition psychologique et des intentions réelles du bateleur. On en est donc réduit à de la pure spéculation, ce qui est clairement l’objectif du futur Président des États-Unis d’Amérique.

Mais l’on peut déjà en constater les dégâts : vouloir s’emparer, au besoin par les armes, du Groënland, territoire ultramarin du Danemark, pays allié des États-Unis ; annexer en tant que 51e État de ceux-ci le Canada, tout autant allié des États-Unis ; reprendre le contrôle du Canal de Panama, cédé par traité à ce pays dès 1977 – voilà qui, dans les faits, normalise toute ambition impérialiste et légitime l’invasion russe de l’Ukraine, ainsi que les prétentions chinoises d‘étendre leur zone maritime exclusive en Mer de Chine aux dépens des Philippines.

Mais comment réagissent les Européens ?...

Soyons clairs : à quelques exceptions près, dont le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël BARROT, les réactions ont varié du timide à l’inexistant.

C’est lié, en partie peut-être, à l’absence à la tête de la Commission européenne ?...

Les événements, prévus pour le début de la présidence semestrielle du Conseil de l’UE qui revient à la Pologne, ont en effet été décalés en raison de l’hospitalisation à HANOVRE d’Ursula von der LEYEN, victime d’une pneumonie aigüe – ce qui, de non-dits en non-dénégations, aura donné lieu à la démonstration affligeante d’une communication décousue et timorée de la part de la Commission européenne. J’ai admiré en particulier la photo, publiée par les services de celle-ci, montrant la Présidente de la Commission assise chez elle derrière un ordinateur et devant une bibliothèque (où trônaient notamment les aventures d’Harry Potter et les souvenirs de la veuve de SAINT-EXUPÉRY). L’intention du message était limpide : « Je suis au travail, de chez moi » - à cela près qu’on ne l’a ni revue ni entendue depuis.

Mais d’autres mauvaises nouvelles s’annoncent en provenance d’Outre-Atlantique…

Ce sont les tentatives en cours de la part d’Elon MUSK avec X, rejoint par Mark ZUCKERBERG de META, d’attaquer de front la réglementation européenne qui encadre les activités des plateformes numériques – ‘une inacceptable censure’, ‘un affront au droit à la libre-expression’ répètent en chœur nos deux milliardaires américains, peu réceptifs aux notions de protection de l’enfance, de la lutte contre les menées terroristes, et contre la désinformation et la manipulation de l’opinion, notamment par l’immixtion de tiers dans la vie publique des pays européens - à laquelle ils se livrent d’ailleurs eux-mêmes.

Ici, nombreux sont ceux qui regrettent le départ de Thierry BRETON, le seul commissaire européen à jouir de la carrure indispensable pour affronter les géants du numérique. Mais il est vrai qu’il faisait de l’ombre à Mme von der LEYEN, alors…

Et les nouvelles en provenance de ZAGREB n’incitent pas à l’enthousiasme, non plus…

C’est exact, même si c’était prévisible depuis les résultats du premier tour de l’élection présidentielle en Croatie. Le Président sortant, Zoran MILANOVIĆ, est réélu avec une très confortable majorité de plus de 74 % des voix. M. MILANOVIĆ est un populiste eurosceptique et pro-russe, mais dont les pouvoirs présidentiels sont limités par la Constitution : ainsi est-ce le Premier ministre (pro-européen), Andrej PLENKOVIĆ, qui siège au sein du Conseil européen, et non le Président.

QD, on vous sent un peu amer, non ?...

Non. Je disais il y a quelques instants que les boulons des relations internationales se trouvent tous desserrés – c’est donc maintenant que nous, les Européens, nous devons nous retrousser les manches, consolider nos acquis communs, et réinviter notre avenir, celui d’un continent raisonnable et prospère dans un monde déboussolé.

Alors, au travail.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.