Retrouvez chaque semaine la semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.
Alors, Quentin Dickinson, qu’avez-vous retenu de l’actualité de ces jours derniers ?...
Ces jours-ci, tout ce que l’Europe compte de politistes (et cela fait du monde) se penche avec délectation sur les élections récentes et futures que nous réserve l’année 2025.
Essayons d’y voir plus clair.
Commençons par quel pays ?...
Commençons par la plus récente des élections, c’est-à-dire par le premier tour de la présidentielle en Roumanie, dimanche dernier.
Vous vous souvenez qu’en novembre dernier, ce scrutin avait été annulé par la Commission électorale indépendante, annulation confirmée par la Cour suprême. C’est qu’un quasi-inconnu nommé Călin GEORGESCU l’avait largement emporté…sans faire campagne, ni présenté de comptes de campagne. On a toutefois noté une avalanche de communiqués à sa gloire orchestrée sur TIK-TOK au financement mystérieux, ainsi que plus de 85.000 cyberattaques de source russe contre les autres candidats. M. GEORGESCU avait été exclu de toute participation à la nouvelle élection.
Et donc, que faut-il retenir de celle-ci ?...
La victoire du candidat trumpophile et anti-européen George SIMION, à plus de 40 % (atteignant même les 60 % chez les Roumains expatriés !).
Le Maire de BUCAREST, le pro-européen Nicuşor DAN, arrive en second à 21 %, devant le candidat présenté par la coalition au pouvoir. En dépit de cet écart très important, M. DAN conserve un espoir de l’emporter au second tour le 18 juin.
Le 18 juin, date (historique ?) ailleurs aussi, Quentin Dickinson ?...
En effet, puisque nous aurons aussi à suivre ce jour-là le premier tour de la présidentielle en Pologne ainsi que les législatives anticipées au Portugal.
Mais vous vouliez aussi nous entretenir des élections régionales et municipales au Royaume-Uni, jeudi dernier…
Outre-Manche, c’est le grand chambardement. Le parti Reform du Brexiteur adorateur de Donald TRUMP, Nigel FARAGE, a réussi à s’adjuger la présidence d’un arrondissement du nord-ouest de l’Angleterre, fief supposé inexpugnable des Travaillistes, ainsi que des centaines de conseillers municipaux, pris surtout aux Conservateurs mais aussi aux Travaillistes. Les centristes libéraux-démocrates et les Verts progressent de façon significative.
Il est évidemment trop tôt pour rédiger l’acte de décès du système de vote uninominal à un seul tour aux élections législatives, système qui garantit, au niveau national, l’alternance de deux grands partis seulement, les autres formations politiques se contentant des miettes de leur table.
Mais il faut bien constater deux tendances récentes et préoccupantes ;
il y a le désamour collectif, car aujourd’hui, un seul électeur britannique sur trois déclare faire confiance aux hommes et aux femmes politiques. Et il y a la volatilité de l’électorat, puisque celui-ci avait accordé, à la Chambre des Communes, une majorité de quatre-vingt sièges aux Conservateurs de Boris JOHNSON, et, à peine cinq ans après, les mêmes électeurs avaient attribué cent soixante-quatorze sièges aux Travaillistes de Keir STARMER. Et voilà qu’aujourd’hui Conservateurs et Travaillistes redoutent à des degrés divers l’irruption du vibrionnant M. FARAGE.
Une ou deux brèves pour conclure, Quentin Dickinson ?...
En l’occurrence, ce sera deux. D’abord, revenons sur la décision de l’Office fédéral allemand de Protection de la Constitution (autrement dit : le service de renseignement intérieur), selon laquelle le parti AfD est à classer comme étant d’extrême-droite, en ce qu’il véhicule des positions très éloignées des idéaux – et des interdictions – contenus dans la Constitution de 1949 créant la République fédérale d’Allemagne, dont les rédacteurs étaient soucieux d’éradiquer préventivement tout ce qui pouvait rappeler le régime nazi que le peuple allemand avait connu de 1933 à 1945.
Tout cela est logique, compte tenu de la fascination exercée sur les dirigeants de l’AfD par le souvenir du national-socialisme hitlérien. Mais la décision des responsables de la sécurité intérieur provoque malaise ou cris d’orfraie, chez des élus, pas tous de l’AfD, pour qui cela constituerait une immixtion scandaleuse de fonctionnaires non-élus dans l’institution parlementaire.
On suppose quand même qu’Outre-Rhin subsistent encore quelques personnes qui n’ont pas oublié que ce sont précisément les mêmes arguments qui ont servi aux partis modérés de la République de WEIMAR pour ne s’opposer que poliment à la mainmise sur l’ensemble des rouages de l’État allemand par Adolf HITLER et ses acolytes.
Et l’autre brève du jour sera plus concise : on peut en effet se féliciter de l’amende de 530 millions d’Euros infligée par la Commission européenne à la plateforme chinoise TIK-TOK, laquelle n’avait pas hésité à transmettre des centaines de milliers de données personnelles de citoyens européens aux services (disons :) spécialisés de l’État chinois. On attend maintenant les protestations de naïfs indignés, au nom de la liberté d’expression – et bien sûr aussi celles du Vice-président des États-Unis.
Et tout le reste n’est que politique.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.