La semainière de Quentin Dickinson

L'Ukraine et l'Union européenne face à l'ombre de Trump

European Union 2024 - Source : EP L'Ukraine et l'Union européenne face à l'ombre de Trump
European Union 2024 - Source : EP

Retrouvez chaque semaine semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.

Alors, QD, avez-vous passé une bonne semaine ?...

Oui, une semaine passée principalement à guetter les développements, du côté de l’UE, de la guerre en Ukraine.

L’aide aux autorités de KIEV aura notablement mobilisé le Parlement européen, qui tenait la semaine dernière sa session plénière mensuelle à STRASBOURG, où se manifeste une inquiétude croissante, à mesure que prend corps l’hypothèse d’un retour de Donald TRUMP à la Maison-blanche.

Si ce scénario devait s’avérer, les délais seraient impossibles à tenir pour les Européens, amenés à soutenir financièrement et militairement l’Ukraine sans l’appui des Américains.

L’élection présidentielle étatsunienne sera suivie d’une période de flottement, dit-on dans les couloirs du Parlement européen, période qui pourrait encourager POUTINE à mettre à l’épreuve la détermination et l’unité des Occidentaux, en s’en prenant à l’un des pays baltes, par exemple le long du Couloir de SUWAŁSKI, au prétexte que la Lituanie y interdirait l’accès à l’enclave russe de KALININGRAD. La conduite de cette opération pourrait d’ailleurs être confiée à la Biélorussie voisine, histoire de brouiller encore davantage les cartes.

Et l’Allemagne n’est pas vraiment claire dans cette crise…

En effet. Et c’est un exemple de plus de la fragilité de la coalition tripartite aux affaires à BERLIN.

L’Allemagne est, à ce jour, le premier contributeur à l’effort de guerre des Ukrainiens, derrière les États-Unis mais loin devant les autres Européens.

Or, au moment-même où le Chancelier SCHOLZ annonçait une nouvelle tranche d’aide à KIEV, des députés de la coalition torpillaient au parlement l’envoi aux Ukrainiens de missiles Taurus, particulièrement précis et redoutables contre les immeubles et les ponts, de peur, semble-t-il, que l’Ukraine s’en serve contre des cibles en Russie-même, ce qui impliquerait l’Allemagne dans le conflit plus qu’elle le voudrait. En somme, un vrai triomphe de la désinformation russe.

Mais il y a toutefois eu une nouvelle positive pour les Ukrainiens, QD ?

Une nouvelle qui provient de Slovaquie. Vous vous souviendrez qu’aux récentes législatives dans ce pays, le vainqueur, Robert FICO, très prorusse, avait fait campagne sur le thème Pas un fusil, pas une cartouche pour KIEV ; or, dans une étonnante volte-face, M. FICO vient d’autoriser son (importante) industrie de défense à exporter tout ce qu’elle peut vers l’Ukraine. Il est vrai que le groupe armurier slovaque ZVS a engrangé plus de 44 millions d’Euros de commandes ukrainiennes depuis le début du conflit, et que – simple hasard, on le suppose – le patron de cette entreprise vient d’être nommé par M. FICO aux fonctions de Ministre de la Défense.

Autre sujet militaire qui occupe l’Union européenne, la protection du passage des navires de commerce par la Mer rouge

En dépit des frappes en riposte des Américains et des

Britanniques, les tirs de missiles par les rebelles Houthis se poursuivent.

Et le détournement du trafic par le Cap de Bonne-Espérance engendre déjà des perturbations dans l’UE : la méga-usine de TESLA à côté de BERLIN est à l’arrêt, au moins jusqu’au 11 février, et l’usine VOLVO à GAND est en panne de boîtes de vitesses.

Ici à BRUXELLES, on calcule que le maintien des actions offensives des Houthis engendrerait des pénuries significatives et durables pour les consommateurs dans l’UE à partir de début avril.

A noter qu’en même temps, le commerce mondial est frappé par la baisse du niveau de l’eau du Canal de Panama, ce qui limite le tonnage ainsi que le nombre de navires autorisés à emprunter simultanément cet itinéraire.

Cette semaine, le feu vert politique a été donné à la constitution d’une flottille européenne d’au moins trois frégates, à envoyer en Mer rouge pour renforcer les unités navales de protection opérant déjà dans cette zone. La mission est baptisée Agénor (et, pour ceux que ce détail peut intéresser, Agénor, dans la mythologie grecque, était le père de la nymphe Europe. On ne voit pas vraiment le rapport, surtout vu qu’il s’est montré impuissant à empêcher que sa fille soit enlevée par Zeus, déguisé en taureau).

Et l’intelligence artificielle continue à passionner les foules à BRUXELLES

À BRUXELLES, et à DAVOS, où était présenté ce rapport du FMI, selon lequel 40 % (en moyenne) des travailleurs de la planète verront leur emploi affecté par l’intelligence artificielle. Ce pourcentage grimpe à 60 % dans les pays développés, dont ceux de l’UE, mais descend à 29 % dans les pays les moins favorisés.

Actuellement, les mieux préparés s’appellent Singapour, les États-Unis, et le Danemark. D’où l’insistance du Commissaire européen à l’Emploi, le Luxembourgeois Nicolas SCHMIT, à renforcer le dispositif réglementaire encadrant l’IA dans l’UE – et (mais cela n’a rien à voir), on apprenait il y a quelques jours que le même Nico’ sera le candidat de sa famille politique européenne, les socialistes, au poste de prochain Président de la Commission européenne, si ses amis parviennent à rassembler un plus grand nombre d’élus que les groupes concurrents lors des élections européennes de juin.

Quelques brèves, pour conclure ?...

D’abord, une notable vague de protestations, au sein du Parlement européen ainsi que dans nombre de parlements nationaux des pays de l’UE. La cible : les fraudes et irrégularités en tout genre intervenues lors des récentes élections présidentielles en Serbie, qui ont vu le président sortant, Aleksandar VUČIĆ, se proclamer réélu, en dépit des réserves exprimées par les observateurs internationaux présents sur place. Une enquête indépendante, sous l’égide de l’Union européenne, est réclamée avec insistance, la Serbie étant officiellement candidate à l’UE.

Enfin, l’histoire d’une bourde qui pèse son poids. Tout le monde ne le sait manifestement pas, mais les pays de la zone Euro ont la possibilité de modifier - mais pas plus d’une fois tous les quinze ans - le dessin de la face nationale des pièces de monnaie. Et c’est ce qu’a voulu faire la France pour ses pièces jaunes de 10, 20, et 50 centimes.

Mais la Monnaie nationale a oublié d’en avertir la Banque centrale européenne, ainsi que les autres pays pratiquant l’Euro, comme pourtant le règlement l’y oblige. Résultat, enfin mise au courant du nouveau dessin, la BCI en a exigé la modification, pour cause d’étoiles non-conformes…alors que l’on venait d’en fabriquer pour 27 millions d’Euros.

Toutes les pièces ont été mises au pilon, puis fondues pour être recyclées. La Monnaie nationale et le Ministère des Finances se renvoient courageusement la balle, en espérant que la bévue ne s’ébruite pas trop. C’est raté.