La semainière de Quentin Dickinson

Drôle de jeu diplomatique - Quentin Dickinson

© European Union 2020 - Source : EP Drôle de jeu diplomatique - Quentin Dickinson
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Retrouvez chaque semaine l'édito de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.


Alors, QD, avez-vous passé une bonne semaine ?

Oui, si l’on veut, car ces derniers jours auront été particulièrement denses, pas toujours glorieux pour les institutions de l’UE, mais aussi nous auront donné l’occasion de nous tourner vers un passé récent ou plus éloigné.

Qu’entendez-vous par des jours particulièrement denses ?

Simplement, que nous avons assisté à un intense ballet diplomatique, dont le plus significatif devait culminer au XXVIIe Sommet entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique, vendredi dernier à WASHINGTON. En fait, ce fut un exercice décevant. Vous vous souviendrez que Donald TRUMP avait imposé de lourdes taxes sur les importations aux États-Unis d’acier d’origine européenne ; ces taxes avaient par la suite été suspendues, dans l’attente d’un règlement définitif du différend. On attendait donc une annonce en ce sens la semaine dernière – mais il n’en fut rien, les Américains ayant réintroduit une clause leur permettant de revenir à volonté sur ces accords, une exigence inacceptable pour les Européens.

Ce fut aussi l’occasion d’un nouveau chacun-pour-soi des dirigeants de l’UE

On a en effet assisté à une nouvelle et puérile démonstration de la rivalité entre responsables de la Commission européenne et du Conseil européen (parmi d’autres). Ainsi, à l’issue du Sommet de WASHINGTON, Charles MICHEL, Président du Conseil, et Josep BORRELL, patron de la diplomatie de l’UE, sont repartis dare-dare pour l’Égypte, où se tenait un Sommet pour la Paix, sans Ursula von der LEYEN, pourtant Présidente de la Commission.

Il faut dire que juste avant, celle-ci avait inondé les réseaux sociaux d’une photo de groupe prise en Israël, elle-même figurant au centre…mais dont on avait occulté la partie où apparaissait M. MICHEL, procédé, vous en conviendrez, quelque peu stalinien.

Et ça ne s’arrête pas là, semble-t-il…

Non, hélas. Sitôt connue l’agression du Hamas contre Israël, voilà l’incontrôlable Commissaire européen à l’Élargissement, le Hongrois Olivér VÁRHELYI, qui annonce le gel de l’aide européenne à Gaza (ce qui, du reste, ne relève pas de son portefeuille), avant d’être contredit par Mme von der LEYEN, les deux étant ensuite recadrés par M. BORRELL,
lequel précise que l’aide humanitaire sera bien maintenue, mais que les fonds destinés aux bâtiments et aux infrastructures seront suspendus, ce qui ne manque pas de logique. Et, pendant ce temps, le Premier ministre hongrois Viktor ORBÁN, dont M. VÁRHELYI est un affidé, a séché un Sommet européen en visioconférence pour aller à PÉKIN serrer la main de XI Jinping … et de Vladimir POUTINE.

Vous n’avez rien trouvé de plus positif à nous dire ?

Si, attendez. L’un des points d’achoppement dans le système de sanctions contre la Russie, ce sont les diamants, un bon tiers de la production mondiale de diamants bruts provenant de ce pays. Depuis le début de la guerre en Ukraine, ces diamants affluaient dans la ville de SOURATE en Inde, où ils étaient taillés, avant de filer vers les différentes bourses spécialisées … désormais classés d’origine indienne. Un plan destiné à refermer cette faille faisait jusqu’ici l’objet de l’opposition de la Belgique, soucieuse de la prospérité de ses diamantaires d’ANVERS. Un compromis vient d’être trouvé : tout diamant, d’où qu’il provienne, devra désormais passer par ANVERS pour que son origine soit certifiée, avant de se faire tailler – ce qui, de fait, exclut les diamants russes.

La semaine dernière, vous avez évoqué les élections législatives en Pologne, remportées par l’opposition pro-européenne – vous vouliez y rajouter du nouveau ?

On est encore loin de la formation du gouvernement, mais il est intéressant de noter le jugement du groupe des observateurs étrangers, pour qui ce scrutin aura été marqué par des détournements d’argent public à des fins électorales, par une désinformation permanente de la part des médias contrôlés par le gouvernement, et de graves défauts d’indépendance de la part de plusieurs institutions de l’État polonais. La victoire des amis de M. Donald TUSK n’en est que plus éclatante, même si le détricotage des dérives autoritaires de ces neuf dernières années constitue une tâche véritablement herculéenne.

Vous aviez l’intention de nous parler de quelques dates historiques, c’est cela ?

Et la première, bien affligeante, est celle de l’assassinat de la journaliste maltaise Daphne CARUANA GALIZIA, le 16 octobre, voici six ans déjà. Ce 16 octobre 2023, le Parlement européen a attribué le Prix SAKHAROV pour la liberté d’expression à la jeune Mahsa AMINI, morte sous les coups des sicaires de la police des mœurs en Iran, ainsi qu’au mouvement de protestation des femmes dans ce pays.

Un autre rappel ?

Le très grave tremblement de terre en Turquie, il y a huit mois, qui a tué 56.000 personnes et blessé le double, a fait l’objet d’un engagement solennel du Président turc Recep Tayyip ERDOĞAN de reconstruire en l’espace d’un an les 270.000 logements détruits. Or, l’on reconnaît maintenant que l’objectif a toujours été inatteignable. Alors, est-ce grave ? Non, bien sûr, ce n’était qu’une promesse électorale, et, depuis, M. ERDOĞAN a été réélu.

Et puisque l’on en est à scruter le rétroviseur, le 18 octobre 1867, SMIR l’Empereur de Toutes les Russies cédait par voie de traité au Gouvernement des États-Unis d’Amérique le territoire de l’Alaska et des îles avoisinantes. C’était l’époque bénie où la Russie cherchait moins à s’étendre chez ses voisins.

Rapidement, pour terminer, une dernière info’ ?

Allons-y : à Malte, il fallait jusqu’ici avoir dix-huit ans pour pouvoir se faire élire à un conseil municipal ; désormais, le gouvernement du plus petit État de l’Union européenne propose de baisser la limite à seize ans – y compris pour les maires et les maires-adjoints. L’opposition s’en donne à cœur joie, sur le mode ‘Le Conseil municipal est retardé, le temps que sa maman aille chercher Monsieur le Maire à l’école’.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.