La semainière de Quentin Dickinson

Le semainière de Quentin Dickinson

European Union, 2024 -  EC - Audiovisual Service Le semainière de Quentin Dickinson
European Union, 2024 - EC - Audiovisual Service

Retrouvez chaque semaine la semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.

Alors, Quentin Dickinson, avez-vous passé une bonne semaine ?...

Cette semaine se sera terminée par un grand moment de soulagement à l’annonce des résultats de l’élection présidentielle en Moldavie. Rappelons-les (on ne s’en lasse pas) : la Présidente sortante, qui briguait un second mandat, la pro-européenne Maia SANDU, est réélue avec 55,30 % devant son adversaire, le pro-russe Aleksandr STOIANOGLO, arrivé à 44,70 %.

Eu égard aux circonstances, ce résultat est franchement proche de l’exploit.

Que voulez-vous dire par là ?...

Simplement, que tous les dés étaient pipés contre Mme SANDU. D’abord, son concurrent avait recueilli le report du soutien de la plupart des autres candidats, éliminés au premier tour. De même, M. STOIANOGLO est pro-russe et d’origine gagaouze, ce qui lui vaut un préjugé favorable de la part des russophones de Transnistrie ainsi que du plus grand nombre en Gagaouzie. Jusque-là, rien à dire.

Mais…

En revanche, comme lors du premier tour, comme lors du référendum constitutionnel, le même jour, sur l’orientation du pays vers l’Union européenne, le Kremlin avait déclenché pléthore de coups fourrés, à base d’achats de vote, d’intimidations, de navettes gratuites d’autocars vers les bureaux de vote pour s’assurer du vote effectif d’électeurs pro-russes, le tout sur fond de désinformation et de menaces sur le thème Regardez bien ce qui se passe chez vos voisins ukrainiens : ils voulaient l’Europe – et ils ont la guerre.

On retiendra aussi une succession de sondages au financement douteux qui, jusqu’en soirée dimanche, continuaient d’annoncer la victoire de M. STOIANOGLO.

La conclusion, c’est que l’on peut très probablement en déduire que le soutien véritable au projet européen de Mme SANDU est encore plus large que ce que laissent apparaître les chiffres publiés.

Pourquoi, selon vous, le sort de ce petit pays, coincé entre l’Ukraine et la Roumanie, est-il essentiel pour l’Union européenne ?...

Dans la stratégie d’expansion territoriale de la Russie de Vladimir POUTINE, qui entend rétablir son pays dans ses frontières de 1921 (pour commencer), l’Ukraine constitue le premier (et le plus gros) maillon, suivie de la Géorgie et de la Moldavie, avant d’annexer les trois pays baltes.

Cette ambition est actuellement confortée en Géorgie, où le parti pro-russe au pouvoir sort vainqueur des récentes législatives, totalement trafiquées, ce qui ne manque pas de déclencher une succession de considérables manifestations pro-européennes. Si cette contestation devait perdurer, et afin de la briser, une intervention militaire russe pourrait être demandée par le gouvernement géorgien. Pour rappel, la Russie occupe déjà depuis 2008 deux provinces géorgiennes, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud.

Cet enchaînement de déstabilisation-intervention-annexion russe a donc pour cible actuelle la Moldavie.

Si celle-ci devait être entraînée dans la guerre, l’ombre d’une Europe coupée en deux par un rideau de fer ressurgirait immanquablement au cours de la prochaine décennie, en particulier si l’actuelle confusion électorale étatsunienne devait se solder par la confirmation d’une victoire de Donald TRUMP.

Vous avez tout-de-même observé d’autres événements au cours de la semaine écoulée ?...

Effectivement, mais, puisque j’ai le sentiment d’avoir pratiquement épuisé mon temps de parole, je n’en retiendrai qu’un. Parmi les institutions les moins connues de l’Union européenne, il existe le Comité économique et social de l’UE, où siègent les représentants des partenaires sociaux, au sens large, de chacun des vingt-sept pays-membres. L’actuel Président de cette instance, le syndicaliste autrichien Oliver RÖPKE, a eu l’idée de réunir, ici à BRUXELLES, des délégués de la société civile des neuf États-candidats à l’adhésion à l’Union européenne. Loin des négociations techniques et des échanges officiels, c’est ainsi que peuvent se tisser utilement des liens personnels, qui, à leur tour, créent des convergences et des solidarités entre gens qui, le plus souvent, ignorent encore tout des situations, pourtant comparables, au-delà de leurs frontières.

Travail patient et discret, mais indispensable.

Une interview réalisée par Laurent Pététain.