Depuis quelques mois, la Maison Trajectoire Jean Jaurès, est opérationnelle au cœur de Strasbourg. Ce nouveau site propose des logements aux jeunes en situation de grave précarité, ou qui ont déjà vécu à la rue. Notre journaliste Romain L'Hostis s'est rendu sur place pour en comprendre le fonctionnement.
Sortir les jeunes de la rue et de la précarité
Être en situation de sans-abrisme ne désigne pas uniquement les personnes dormant à la rue. Il englobe également les personnes contraintes de vivre dans des logements temporaires, insalubres ou qui ne correspondent pas aux critères d’un logement décent.
Face à ce problème, pour Olivier Kuhn, coordinateur et travailleur social à la Maison Trajectoire, il faut faire les choses dans le bon ordre : d'abord un logement, puis ensuite retrouver une vie autonome et un travail. La Maison Trajectoire joue ce rôle de première étape fondamentale :
La première étape c’est ici dans ces lieux, avec 15 chambres pour l’instant, peut-être 17 dans quelque temps. Pour permettre aux jeunes de se poser, sortir de la précarité de la rue, acquérir des revenus. L’étape 2 de l’accompagnement se fera dans un logement qui devrait normalement être leur logement définitif et pas un énième passage. [...] On fait des contrats de 4 mois renouvelables. En sachant que pour ceux qui sont le plus en difficulté, le retour à une vie autonome mettra au minimum un an. Olivier Kuhn, coordinateur et travailleur social à la Maison Trajectoire Jean-Jaures de Strasbourg.
Selon le Parlement européen, au début des années 2020, plus de 700 000 personnes dorment dans la rue en Europe. C’est 70% de plus que durant la dernière décennie. Face à à ce risque de précarisation, la jeunesse est particulièrement vulnérable : face à la montée des prix et à la crise du logement, difficile de se loger à un prix abordable. Or, comme on le dit ici à la Maison Trajectoire, “le logement c’est la base de tout”. Alors, pour les 18-24 ans qui ont déjà connu un parcours de rue, la Fondation de la maison Diaconat propose une alternative.
Un logement doublé d'un accompagnement
Pour Johanna Hurt, animatrice sociale, le défi consiste à réinsérer les personnes bénéficiant d'un logement à la Maison Trajectoire dans une vie sociale plus seine, autour de pratiques sportives, ludiques et d'une meilleure santé. Face à elle deux fléaux : l'ennui et les addictions qui persistent chez ces jeunes habitants même après la fin de leur parcours de rue.
Il y en a beaucoup qui passent beaucoup de temps dans leur chambre, qui ne savent pas trop quoi faire. Donc on fait des jeux de société, on fait du sport, on fait des sorties, on a fait par exemple une soirée burgers. L’idée est de les occuper, de leur faire passer des bons moments, et se changer un peu les idées. [...] Car quand ils s’ennuient, ils consomment [des produits d’addiction] pour passer le temps, et ça devient ensuite un cercle vicieux. Johanna Hurt
Optimiser les lieux et bâtiments vacants à Strasbourg
En 2022, malgré l’augmentation du nombre de sans-abris, l’Etat français avait pourtant annoncé réduire le nombre de places en hébergement d’urgence. La mairie de Strasbourg avait alors décidé en novembre dernier de dénoncer l’Etat pour mauvaise gestion, et ainsi le forcer à abandonner cette réduction. Pour Floriane Varieras, adjointe à la maire de Strasbourg, cette politique d’habitat pour un usage social est une priorité pour la ville.
On a trouvé une maison vide qui allait être vendue. On a pu la préempter pour qu’elle bénéficie à l’intérêt général, en l'occurrence le social, les solidarités. Et on a décidé de l’orienter vers les plus jeunes : les 18-24 ans, c’est-à-dire ceux qui sont majeurs mais qui ne sont pas encore assez âgés pour pouvoir bénéficier d’aides sociales comme le RSA, les minima sociaux. Donc en se focalisant sur cette population la plus jeune, c’est aussi essayer d’empêcher que des longs parcours de rue n’existent, essayer de ne pas se retrouver avec des personnes à 30 ans qui ont déjà passé plus de douze ans à la rue, avec des problèmes de santé, de l’isolement social etc. Floriane Varieras, adjointe à la maire de Strasbourg.
Enfin pour ce projet, la Maison Trajectoire a pu bénéficier du soutien du Fonds Social Européen, l’un des programmes de financement de l’Union européenne.