A Strasbourg, notre journaliste Romain L'Hostis s'est rendu sur le chantier archéologique en cours derrière l’actuelle gare ferroviaire. Des fouilles exceptionnelles qui ont déjà révélé de véritables trésors historiques. L'occasion également de mettre en perspective ces efforts d'archéologues alsaciens avec l'initiative des Journées européennes de l'archéologie, proposée aux 46 pays membres du Conseil de l'Europe.
Il était prescrit une superficie [à fouiller] de 22 000 m2. On y est depuis le 20 mars, et nous aurons tout fini. On est dans des bonnes conditions pour intervenir et je trouve que les moyens qui ont été impartis à la fouille sont juste bien proportionnés. Mathias Higelin, archéologue territorial, il est responsable de ce chantier pour Archéologie Alsace
Sous la gare, une nécropole antique, et des fortifications Vauban.
Un chantier polyvalent, puisque sur le même site, les chercheurs s'attèlent à mettre au jour des anciens remparts du XVIIIe siècle que le célèbre ingénieur Vauban avait fait édifier pour la défense de Strasbourg, mais aussi une nécropole datant de l’Antiquité romaine, soit il y a plus de 1700 ans.
Les origines de l’implantation à Strasbourg remontent à l’époque romaine. On a aux alentours de 15 après J-C une première légion qui va s’implanter à Strasbourg de façon permanente pour participer à la défense de cette frontière. Finalement, le centre-ville de Strasbourg aujourd’hui, au départ, c’était une installation militaire. Mathias Higelin
Bastien Prévaut, archéologue, nous emmène quelques pas plus loin, au pied d’un ancien rempart, fragment des anciennes fortifications Vauban qui entouraient la ville il y a 3 siècles.
“Strasbourg est une ville qui a été fortifiée à plusieurs reprises au cours du Moyen-Âge et de l’époque moderne, avec donc des tours, des murs et des portes. [Ces fortifications] évoluent, car la ville s’agrandit, donc il faut incorporer de nouveaux quartiers dans la partie fortifiée et protégée de la ville. Et la seconde raison c’est d’adapter cela à l’évolution de l’armement, et tout particulièrement à l’artillerie. C’est le système bastillonais, ou fortification en étoile. C’est quelque chose que Vauban a réutilisé, réemployé et amélioré. Mais ce n’est pas quelque chose qu’il a inventé, ce système existait déjà. [...]”
Bastien Prévaut
Des trésors historiques découverts
Au fil du temps, certains vestiges ont révélé de belles découvertes, notamment des vases et ouvrages précieux en verre.
On est au sommet de la hiérarchie sociale, ce qui signifie qu’on se trouve dans une nécropole où différents types de classes sociales étaient inhumés. Mathias Higelin
Pourquoi cette fouille aujourd'hui ?
C’est en prévision de la construction d’un nouvel atelier de maintenance SNCF sur le site de la Gare de Strasbourg, que le Service régional de l’archéologie a donc prescrit cette fouille archéologique et l’a confié à l’équipe d’Archéologie Alsace. Pour Thibault Pilipp, vice-président de la Région Grand-Est en charge des mobilités, l'objectif est de pouvoir bientôt assurer le transport de davantage de voyageurs, mais sans que cela ne s'accompagne de destructions aveugles d'objets archéologiques.
Il nous faut des capacités de maintenance supplémentaires, c’est pour ça qu’on va réaliser ici un nouvel atelier de maintenance. Parce qu’on achète régulièrement du matériel supplémentaire, notamment des rames Regiolis, donc il faut qu’on puisse les entretenir. Des sites comme celui-ci sont quand même assez pratiques car ils sont à côté de la gare qui accueille le plus de TER en France, hors région parisienne. Thibault Pilipp, vice-président de la Région Grand-Est en charge des mobilités
L’archéologie : une science qui se perfectionne.
Depuis le mois d’avril, la fouille a déjà permis de mettre au jour plus d’une trentaine de sépultures, mais aussi d’autres traces plus récentes, mais tout aussi intéressantes pour les archéologues.
Ici, on fait aussi de l’archéologie de l’archéologie, car cette nécropole a déjà été fouillée au XIXe siècle par le chanoine Alexandre Straub. Vous pouvez d’ailleurs observer des objets de cette fouille aujourd’hui au Musée archéologique de Strasbourg. L’objectif aujourd’hui est donc de reprendre cette fouille ancienne et de retrouver les traces des archéologues du passé. On va dans le passé à l’époque romaine, mais aussi dans le passé de l’histoire de l’archéologie. Emilie Briand, directrice adjointe de Archéologie Alsace.
Depuis le XIXe siècle, les méthodes des archéologues ont évolué. Rien n’est laissé au hasard pour les scientifiques, comme nous l'explique Delphine Jonville, archéo-anthropologue.
Nous, on va observer plein de choses au niveau des ossements, pour déterminer par exemple l’espace de décomposition. On peut avoir un espace vide, ou un espace colmaté. Un espace vide signifie qu’il [le squelette] aura bougé. C’est le cas lorsqu’il est dans un cercueil, un contenant en bois, ou bien dans une fosse qu’on aura recouvert. [...] On va donc étudier vraiment tous les mouvements de ces os, et on va aussi essayer de déterminer si l’individu était habillé. Delphine Jonville, archéo-anthropologue
Derrière cette fouille, l’objectif on l’aura compris : la sauvegarde et la préservation de ces éléments de l’Histoire passée. Enfin, rapprocher citoyens et chercheurs en archéologie reste vital pour aider à améliorer la visibilité et l’accès à ces éléments de nos cultures et de notre histoire. Dans cette optique, chaque année, durant l’été, sont organisées les journées européennes de l’archéologie. Cette année, elles ont eu lieu les 16,17 et 18 juin, et cela dans chacun des 46 pays membres du Conseil de l’Europe, à l’origine de cette initiative. A Strasbourg aussi, les acteurs de l’archéologie étaient au rendez-vous de cet événement majeur.