Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe revient dans cette chronique hebdomadaire sur les dernières publications de son organisation, notamment de sa revue semestrielle. Énergie, numérique, finances, gouvernance européenne, géopolitique, social, les sujets d'analyse sont traités par des experts européens de tout le continent dont le travail est présenté par Michel Derdevet.
Confrontations Europe a publié un article consacré aux élections en Géorgie et en Moldavie soulignant leur importance stratégique pour l’avenir des deux nations. Dans ce contexte, Gian-Paolo Accardo, journaliste et cofondateur de VoxEurop y partage son analyse. L’article souligne les trajectoires contrastées de ces deux anciennes républiques soviétiques. En Moldavie, la présidente sortante Maia Sandu, pro européenne et pro occidentale, a été réélue avec 55%, confirmant l’orientation stratégique du pays vers un rapprochement avec l’Union européenne. En revanche, en Géorgie, le parti pro russe a remporté les élections législatives, marquant un rapprochement avec la Russie. Ces deux scrutins reflètent les choix géopolitiques cruciaux auxquels ces pays sont confrontés, oscillant entre intégration européenne et influence russe.
Quels sont les principaux défis que rencontrent la Moldavie et la Géorgie dans leur rapprochement avec l’Union européenne ?
La Moldavie et la Géorgie font face à plusieurs défis structurels et politiques dans leur quête de rapprochement avec l’Union européenne. L’un des principaux obstacles est la persistance de conflits territoriaux non résolus, tels que la Transnistrie en Moldavie et les régions séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud en Géorgie. Ces conflits, soutenus directement ou indirectement par la Russie, compromettent leur souveraineté et limitent leur capacité à mener des réformes complètes et cohérentes. Par ailleurs, la pression exercée par Moscou pour empêcher une intégration accrue avec l'UE se traduit par des achats de vote et des ingérences dans le processus électoral et un soutien aux forces politiques prorusses, rendant le climat politique encore plus polarisé.
En outre, des défis internes compliquent le rapprochement avec l’UE, notamment la corruption systémique, les faiblesses institutionnelles et les disparités économiques. A titre illustratif, le gouvernement géorgien, porté par Bidzina Ivanishvili , affiche pourtant un discours pro-européen mais adopte des mesures autoritaires inspirés du Kremlin. La loi sur “les agents étrangers “ et l’interdiction de la “propagande LGBT” ont conduit l’Union à suspendre la procédure d’adhésion, soulignant une proximité avec le régime russe. Cette orientation contraste avec le souhait des Géorgiens d’adhérer à l’Union européenne. La présidente de la République Salomé Zourabichvili s’est efforcée de préserver l’ancrage européen du pays, notamment avec sa “charte géorgienne”.
Il est nécessaire pour ces deux nations d’harmoniser leurs cadres législatifs avec les normes européennes, ce qui exige des réformes profondes dans des secteurs sensibles comme la justice et les droits de l’homme. En revanche, en Géorgie, ces réformes sont comprises par la persistance au pouvoir du parti pro russe Rêve Géorgien. La Moldavie, sous la présidence de Maia Sandu , paraît mieux armée pour surmonter ces défis.
Comment l’Union européenne influence-t-elle l’avenir de la Géorgie et de la Moldavie ?
L’Union européenne joue un rôle crucial en offrant un cadre de réformes politiques, économiques et sociales pour ces pays. Cependant, elle conditionne l’adhésion à des avancées démocratiques et au respect des droits fondamentaux, tout en exerçant une pression diplomatique pour contrer les ingérences russes.
En outre, l’UE exerce une pression diplomatique pour limiter l'influence russe, soutenant ces pays face aux tentatives de déstabilisation, tout en renforçant leur coopération dans des secteurs clés comme la sécurité, l’énergie et la mobilité. Toutefois, l’UE se heurte aux défis internes et aux préoccupations géopolitiques qui ralentissent leur progression vers une adhésion formelle.
Quel avenir se dessine pour la Moldavie dans l’intégration européenne ?
En dépit de la victoire de la présidente sortante Maia Sandu, la Moldavie reste un pays profondément divisé. D’un côté, la capitale et la diaspora moldave sont davantage tournées vers la cause européenne tandis que de l’autre, des régions rurales comme la Gagaouzie sont restés proche du régime russe.
En parallèle de l’élection présidentielle, s’est tenu un référendum ayant pour but d’inscrire dans la Constitution l’adhésion à l’UE. La victoire étroite du « oui » avec seulement 50,3 % des voix reflète une division profonde au sein de la population moldave. Près de la moitié de la population a rejeté ce référendum et ce rejet a été particulièrement marqué en Gagaouzie où environ 95% des électeurs se sont fermement opposés à cette orientation. Ce résultat mitigé s’explique en raison de l’ingérence du Kremlin ainsi que des actions de déstabilisation menées par ses relais locaux, notamment l’oligarque Ilan Shor.
Quel avenir se dessine pour la Géorgie dans leur intégration européenne ?
L’adhésion à l’UE est déjà inscrite dans la Constitution géorgienne. Le pays était donc en avance par rapport à la Moldavie mais il vient de faire un choix qui ressemble à une marche arrière. Le parti pro russe Rêve Géorgien est sorti vainqueur des élections législatives compromettant ainsi les chances du pays d’adhérer à l’Union européenne. Le résultat a suscité de nombreuses questions, en particulier du respect de l’État de droit et du respect des droits humains.
Rêve géorgien ayant remporté les élections législatives, une nouvelle dynamique va s’imposer. Il est fort probable que le pays se rapproche de plus en plus de la ligne de conduite russe, ce qui, à court terme, risque de poser des problèmes par rapport au respect des droits fondamentaux et donc ralentir voire empêcher l’adhésion à l’Union
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.