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Ursula von der Leyen avertit le futur gouvernement italien : l’Union européenne “dispose d’outils” si les choses prennent une “tournure difficile”

Ursula von der Leyen avertit le futur gouvernement italien : l’Union européenne “dispose d’outils” si les choses prennent une “tournure difficile”

Source : Euronews, 22 septembre 2022

Si l’Italie venait à adopter des lois non démocratiques, la Commission européenne seule pourrait difficilement agir. Ce sont principalement les États membres réunis au sein du Conseil qui pourraient suspendre le versement de fonds européens, mais les conditions pour aboutir à cette solution sont assez difficiles à réunir.

Adressés à la probable future coalition italienne menée par Giorgia Meloni, la leader du parti post-fasciste Fratelli d’Italia, ces propos de la présidente de la Commission européenne ont déclenché la colère d’une partie de la classe politique et de l’opinion publique italienne, et plus largement européenne. Ursula von der Leyen voulait ici mettre en garde contre une évolution non démocratique de l’Italie, en la menaçant de suspendre le versement de fonds européens. Prenant en exemple les cas de la Hongrie et de la Pologne, Ursula Von der Leyen a rappelé que l’Union européenne disposait d’instruments pour faire pression sur les États membres. Si l’Union européenne dispose effectivement d’instruments pour peser sur la politique menée par les États membres, leur mise en œuvre n’est pas si aisée.

L’analogie faite par la présidente de la Commission entre la coalition menée par Giorgia Meloni et les gouvernements polonais et hongrois repose sur certaines similitudes entre les discours et les programmes politiques. La cheffe du parti Fratelli d’Italia a en effet fait campagne sur la limitation de l’IVG, le refus du mariage pour les couples homosexuels, et la lutte contre l’immigration irrégulière, réaffirmant sa devise : “Dieu, patrie, famille”

L’ARTICLE 7 DU TRAITÉ SUR L’UNION EUROPÉENNE, UN OUTIL QUI S’EST RÉVÉLÉ INEFFICACE

La mise en œuvre d’un programme en partie comparable en Hongrie, en y ajoutant une atteinte à l’indépendance de la justice et des médias, avait conduit les institutions européennes à utiliser le premier instrument prévu dans les traités européens (l’article 7 du Traité sur l’Union européenne). Il s’agit d’une procédure visant à faire face aux cas de non-respect des valeurs fondamentales de l’Union européenne par un État membre. Cette procédure n’a été engagée que deux fois, une première fois en 2017 contre le gouvernement polonais, puis en 2018 contre le gouvernement hongrois. Dans les deux cas, la première étape de la procédure n’a jamais été franchie, en raison de blocages politiques, rendant l’utilisation de cet instrument peu probable dans un cas similaire à ceux de la Hongrie ou de la Pologne.

UN RÈGLEMENT POUR LUTTER CONTRE LES ATTEINTES AU BUDGET  DE L’UNION

En 2018, la Commission a donc élaboré un projet d’acte législatif afin de protéger l’État de droit, tout en contournant les blocages politiques. Le projet consistait à conditionner le versement de fonds européens aux États membres au respect de l’État de droit (indépendance de la justice, lutte contre la corruption, etc.). Ce projet a finalement été adopté par le Parlement européen et le Conseil – qui réunit les États membres – le 16 décembre 2020. La Cour de justice de l’Union européenne a eu l’occasion de préciser la nature du mécanisme prévu par le règlement. Selon la Cour, via le budget commun de l’Union, c’est le principe de solidarité qui est mis en œuvre. Ce principe de solidarité repose sur la confiance mutuelle entre les États membres. Or, la bonne utilisation du budget peut être compromise par une violation de l’État de droit commise dans un État membre, ce qui fausserait la confiance mutuelle. Pour assurer cette confiance et cette solidarité, il faut s’assurer que les États membres de l’Union respectent les règles du jeu de l’État de droit.

Si la Commission européenne veut faire usage de cette “loi” européenne, l’Italie pourrait se voir suspendre les fonds du budget de l’Union en raison d’atteintes à l’État de droit. Pour ce faire, il faudrait, dans un premier temps, que le programme de Fratelli d’Italia soit effectivement mis en œuvre. Dans un second temps, il faudrait que cette mise en œuvre passe par des réformes contraires à l’État de droit tel que le règlement européen le définit, comme par exemple des atteintes au fonctionnement du pouvoir judiciaire. 

Enfin, il faudrait que la Commission soit à même de démontrer que ces éventuelles violations de l’État de droit ont un effet négatif sur l’utilisation des fonds européens. Par exemple, si la majorité au pouvoir affaiblit le pouvoir des juges pour enquêter sur les faits de corruption, ce qui est en effet susceptible de grever le budget européen, qui doit servir à financer ce qui est prévu et non des activités illégales. Surtout, ce n’est pas la Commission européenne qui décide, mais le Conseil, c’est-à-dire les États membres, à la majorité

Ursula von der Leyen peut donc menacer l’Italie, mais son pouvoir de nuisance est limité, soumis à la bonne volonté du Conseil et donc des États membres.

LA SUSPENSION POSSIBLE DES AIDES DU PLAN DE RELANCE

Parallèlement, l’Union a adopté un plan de relance inédit pour lutter contre les conséquences économiques de la crise sanitaire. Pour l’Italie, le plan prévoit le versement de 143 milliards d’euros, ce qui en fait le principal bénéficiaire. Au fur et à mesure de la mise en œuvre des réformes prévues, les fonds seront versés à la République italienne. Deux versements ont déjà été validés par la Commission, qui avait négocié avec l’ancien gouvernement présidé par Mario Draghi. 

Mais si la coalition menée par Giorgia Meloni, pressentie pour prendre les rênes du gouvernement italien, appliquait son programme, il ne serait pas si aisé pour la Commission de suspendre les fonds. Il faudrait, pour cela, que le futur gouvernement italien ne mette pas en œuvre les mesures et réformes prévues par les étapes du plan de relance. Or si la leader d’extrême droite a déclaré pendant sa campagne qu’elle souhaitait renégocier les termes du plan d’aide avec Bruxelles, elle a aussi laissé entendre qu’elle ne mettrait pas en danger le versement de cette aide. 

La Commission dispose de moyens limités, et qui sont surtout entre les mains des États membres au sein du Conseil.

Contactée, la Commission n’a pas répondu à nos sollicitations.

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