Elphège Tignel du Centre Européen des Consommateurs France, revient aujourd’hui sur les tests ADN commandés sur Internet
Elphège, vous souhaitez nous parler des tests ADN sur Internet, un cadeau que vous avez peut-être reçu à Noël ?
Pas moi, mais peut-être des centaines de Français qui nous écoutent. Car le test ADN est un cadeau de Noël tendance, des dizaines de milliers de Français auraient déjà franchi le pas et commandé un test ADN sur Internet pour eux ou pour offrir. C’est vrai que sur le papier, c’est prometteur : avec un simple échantillon de salive, des entreprises basées en Europe, aux Etats-Unis ou en Israël, pour les plus connues, proposent pour moins de 100 € de décrypter votre patrimoine génétique et de vous donner vos pourcentages d’appartenance à différentes ethnies du monde ou vos risques de développer un cancer ou une autre maladie. Des résultats parfois étonnants mais aussi contestés et surtout pas sans risques.
Mais ces tests ADN sont-ils autorisés en Europe et en France ?
ll n’existe à ce jour aucune réglementation européenne sur les tests ADN. Les tests génétiques dit récréatifs proposés sur Internet aux consommateurs pour connaître l’origine de leurs ancêtres ou dépister une maladie sont autorisés dans plusieurs pays européens. C’est le cas au Danemark, à Chypre, en Finlande, en Allemagne, en Italie, au Luxembourg ou aux Pays-Bas mais ils sont interdits au Portugal et en France.
En France, un test génétique ne peut être réalisé que sur demande du tribunal dans le cadre par exemple d’une recherche de paternité, ou par un médecin à des fins médicales ou de recherche scientifique. Donc malgré les publicités récurrentes sur Internet et les réseaux sociaux, si vous résidez en France et que vous commandez sur Internet un test ADN ou soumettez un échantillon d’ADN à une société, même basée dans un pays européen où cela est autorisé, vous encourez une amende de 3 750 €.
Que craint la France en interdisant ces tests ADN achetés sur Internet ?
Tout d’abord, l’exploitation des données génétiques. En demandant l’analyse de votre ADN, vous transmettez en effet au laboratoire des informations sensibles. Imaginez-vous l’aubaine commerciale pour une société de cosmétique de connaître le type de peau de milliers de clients potentiels, ou pour une agence de pouvoir proposer des voyages sur mesure à la « découverte de ses origines » ?
Vous l’avez compris, les données génétiques sont des données personnelles sensibles protégées, heureusement, en Europe par le Règlement Général de Protection des Données, le fameux RGPD. Mais pour éviter les risques de commercialisation ou de piratage de la base de données génétiques, mieux vaut demander l’effacement de vos données au laboratoire si vous avez eu recours à un test ADN acheté sur Internet.
Y’at-il d’autres risques aux tests ADN dit récréatifs ?
L’engouement en Europe pour la connaissance de son patrimoine génétique et de ses prédispositions à développer certaines pathologies héréditaires fait craindre en effet une mauvaise ou une interprétation hâtive, faute d’informations suffisantes sur la fiabilité du diagnostic. Avec une recherche médicale et génétique en constante évolution et des facteurs personnels du demandeur non pris en compte au moment du test comme son mode de vie, ses antécédents familiaux ou son environnement, les mêmes résultats pourraient tout à fait être interprétés différemment dans quelques années. Mieux vaut donc rester critique et prudent sur les résultats reçus et en discuter avec un médecin.
Et enfin, face aux résultats d’un test génétique qui révèlerait un secret de famille, une non paternité ou un lien de filiation, les conséquences psychologiques ne sont pas non plus à négliger.
Le « droit de savoir » peut avoir des limites lorsqu'il y a des risques pour le consommateur.
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