L'éco de Marc Tempelman

Le rapport Draghi

European Union, 2023 Le rapport Draghi
European Union, 2023

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

 Bonjour Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

Bonjour. Je souhaitais parler avec vous du rapport Draghi, du nom de l’ancien président de la Banque Centrale Européenne. Adressé à la Commission Européenne, le papier vise alerte sur le retard que prend l’Europe par rapport aux États-Unis et la Chine en termes de productivité.

Oui, le rapport est plutôt alarmiste. Mais est-ce que le constat de départ de Mario Draghi est factuellement juste ? L’Europe est elle vraiment en perte de vitesse ?

Par rapport aux États-Unis et à la Chine, le constat paraît sans appel. Depuis le début du siècle, le revenu réel disponible a cru deux fois plus vite en Amérique qu’en Europe. Sans actions massives, le déclin de la population en Europe ne va qu’exacerber le creusement de l’écart entre le vieux continent et ses concurrents.

Sans changement de politique économique, Draghi conclut que nous devrons compromettre notre sécurité sociale, l’environnement ou notre liberté.

Il recommande donc des investissements massifs, de 800 milliards d’euros par an. Pour quoi faire ?

Les sommes requises sont effectivement gigantesques. Les 800 milliards d'investissements annuels représentent environ 4,5% du PNB de l’Union Européenne. Il s’agirait du plus gros effort d’investissement depuis les années 70, qui, selon le rapport, devraient viser trois grands objectifs.

Premièrement, l’Europe doit innover plus. Tous les grands mastodontes de la tech sont américains ou chinois. Il n’y a pas de société européenne qui vaut plus de 100 milliard qui ait été fondée durant les 50 dernières années. Durant cette période, il y a 6 entreprises américaines qui ont été créées qui valent plus de 1 000 milliards de dollars.

L’Union Européenne ne peut pas se permettre de louper la révolution de l’Intelligence Artificielle. Car cette technologie impactera non seulement le secteur de la tech mais aussi des domaines clés comme ceux des produits pharmaceutiques, de l’automobile et de la défense.

Sur ce 1er point, quelles actions spécifiques préconise Draghi ?

Le point clé est de fondamentalement revoir le cycle de l’innovation en Europe. Cela va de rendre la commercialisation de concepts innovants plus simple, à augmenter les investissements publics dans des nouvelles technologies et de renforcer les formations dans la tech.

Quel est le second domaine de priorité ?

Il s’agit de la transition énergétique et la décarbonation, qui devrait être une opportunité pour l’Union Européenne. Mais si le sujet n’est pas bien coordonné, le risque existe que la décarbonation impacte la compétitivité et la croissance économique.

Aujourd’hui les prix d’électricité en Europe sont 2 à 3 fois plus élevés qu’en Amérique. Ce multiple est de 4 à 5 fois pour le gaz naturel. Devenir un leader mondial dans le secteur des énergies renouvelables est crucial pour l’Union Européenne. Mais la compétition chinoise est féroce. Importer les panneaux solaires produits en Chine pourrait être la voie la moins coûteuse pour atteindre nos objectifs climatiques, mais nous serions de plus en plus dépendants de la Chine.

Le troisième secteur est celui de la sécurité, avec pour objectif de réduire les dépendances actuelles.

Oui. L’instabilité géopolitique est croissante, l’insécurité est bien une menace pour la croissance économique et la liberté, à laquelle l’Union Européenne est exposée. Parce que nous dépendons d’une poignée de fournisseurs pour un certain nombre de matières premières, tout comme pour certaines technologies de pointe.

Dans le domaine, il faudra se coordonner entre Européens pour négocier les meilleurs accords commerciaux possibles, établir des réserves stratégiques dans quelques secteurs critiques, et investir pour réduire nos dépendances.

Le programme est aussi ambitieux qu’il est nécessaire. Son exécution nécessite que les décideurs politiques s’alignent - vite - sur un plan économique pan-Européen.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.