L'éco de Marc Tempelman

Libérer l'oiseau Twitter

Libérer l'oiseau Twitter

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.


De quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, ancien de Paypal, fondateur de Tesla et de SpaceX vient d’acquérir Twitter pour la modique somme de 44 milliards de Dollars. L’opération en elle-même a fait couler beaucoup d’encre. Les premières mesures que Musk a annoncé en font couler tout autant. Je pensais qu’il était pertinent d’essayer d’expliquer pourquoi.

Oui, le milliardaire avait initialement annoncé son intention d’acquérir le réseau social au début de l’année, pour retirer son offre quelques semaines plus tard, et a fini par la remettre sur la table. De nombreux analystes estiment d’ailleurs qu’il aurait trop payé pour Twitter. Qu’en pensez-vous ?

À 54 Dollars et 20 centimes par action, il a certainement payé le prix fort, pour une entreprise qui a perdu de l’argent durant 10 des 12 dernières années. Il a promis de retourner et de rendre de rentable.

Mais pour financer son acquisition, Musk a lourdement endetté sa cible. Pour être précis, Twitter, s’est endetté à hauteur de 12,7 milliards de Dollars qui font partie des 44 milliards de Dollars dont le milliardaire avait besoin pour financer son acquisition. Ça peut paraître magique : on fait payer une partie de la facture à la boîte que l’on souhaite acheter. Mais la conséquence de cette technique relativement commune est que Twitter, qui perdait déjà de l’argent, doit maintenant aussi payer des intérêts sur sa dette, devenue gigantesque.

J’imagine que cela a un impact majeur sur la charge financière du réseau social ?

Oui. Les analystes ont calculé que la charge financière de Twitter, qui n’était que de 51 millions de Dollars l’année dernière, va atteindre un milliard de Dollars.

Je suppose que l'entrepreneur visionnaire qu’est Elon Musk y a pensé ?

En tous cas, c’est ce qu’espèrent ses actionnaires. Et on ne peut pas lui reprocher d’avoir perdu du temps pour agir. Selon deux axes principaux : la réduction des coûts et l’augmentation des revenus.

Commençons par les coûts. Il va radicalement réduire les effectifs de la société.

Oui. Cela a commencé le jour même de la signature définitive de l’achat. Le PDG, et plusieurs directeurs ont été remerciés sur le champ. Mais pour vraiment tailler dans les coûts, Musk a signalé vouloir virer jusqu’à la moitié des 7500 employés que comptait Twitter jusqu’à vendredi dernier. Ce jour-là de nombreux employés se sont retrouvés sans accès à leurs comptes professionnels, façon brutale pour apprendre que vous n’êtes plus désiré. Aller aussi vite permet de ne pas laisser planer le doute longtemps, mais risque aussi de détruire la culture de l’entreprise. Surtout que celle-ci était plutôt bienveillante, là où Musk a annulé le télétravail à volonté et demandé aux équipes de travailler jour et nuit pour sortir de nouvelles offres.

Ce qui doit contribuer à son objectif principal : augmenter les revenus.

Oui, et là, Musk rencontre déjà deux difficultés majeures. Premièrement, il souhaite faire payer 8 USD par mois aux utilisateurs dits “certifiés”, c’est-à-dire dont on a vérifié l’identité. Réponse de Steven Spielberg, via un tweet, et je cite : “Fuck that, they should pay me”. Le modèle d’un abonnement payant est donc contesté. Même si, dans le fond, il serait important de réduire l’ultra-dépendance de Twitter sur les revenus publicitaires.

Car de nombreux annonceurs, dont General Motors, L’Oréal, Volkswagen et Carlsberg, ont officiellement pausé leurs dépenses sur le réseau social, en attendant plus de clarté sur la stratégie future.

Et c’est ce qui m'amène au 2ème point. Musk croit en la liberté d’expression absolue. Il a indiqué que sous sa direction, personne ne pourrait être exclu à vie de la plateforme. Or Twitter a déployé d’énormes efforts pour réduire les discours haineux et les fake news qui ont tant terni son image, par exemple en bannissant Donald Trump. Difficile de prévoir les conséquences d’un revirement brutal sur ce point fondamental. Ce qui pourrait faire hésiter les annonceurs d’acheter de la pub sur le réseau social, qui a pourtant absolument besoin de revenus. À suivre !

Entretien réalisé par Laurence Aubron.