L'éco de Marc Tempelman

Les finances du Vatican

© Wikimedia Commons -Pr142 Les finances du Vatican
© Wikimedia Commons -Pr142

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance

Marc, dans le prolongement de l’élection du pape Léon XIV, vous souhaitez aborder un sujet aussi spirituel que financier : les finances du Vatican, un univers souvent opaque, parfois chaotique, mais toujours fascinant.


Oui, le pape Léon a de nombreux sujets à traiter, notamment sur le plan géopolitique, mais je pensais que pour notre chronique finances il pouvait être intéressant de se pencher sur le volet budgétaire du Vatican.

Alors, malgré son image d’institution millénaire et sacrée, le Vatican serait dans le rouge ? Est-ce vrai ?

Oui, tout à fait. Le Vatican fait face à un déficit structurel, estimé entre 70 et 90 millions d’euros par an. Les dépenses sont en croissance, les recettes baissent, et la crise du Covid n’a rien arrangé. Derrière les dorures du Saint-Siège, les finances sont franchement tendues.

Mais comment finance-t-on un État comme le Vatican, qui ne prélève aucun impôt ?

D’abord au sujet des impôts. N’allez pas croire que le Vatican est un paradis fiscal. S’il ne prélève pas d’impôts c’est notamment parce que cette ville-État ne compte que 1000 citoyens, dont la plupart sont des membres du clergé.

Le modèle économique du Vatican est très particulier. Il repose essentiellement sur trois piliers : les dons des fidèles, les revenus immobiliers, et les placements financiers. Mais les dons baissent — le "Denier de Saint-Pierre", par exemple, est passé de 100 millions en 2006 à moins de 50 millions aujourd’hui. C’est une chute libre.

Et le tourisme, avec les musées du Vatican, ce n’est pas un levier fort ?

Ça l’était. Avant la pandémie, les musées rapportaient jusqu’à 100 millions d’euros par an. Mais avec le Covid, les fermetures ont vidé les caisses. La fréquentation reprend, mais le manque à gagner a été énorme.

Parlons patrimoine et investissement. Le Vatican possède un immense parc immobilier, non ?

Oui, environ 5 000 propriétés dans le monde, évaluées à près de 4 milliards d’euros. Mais une grosse partie est louée à prix cassés, souvent à des membres du clergé. C’est un patrimoine mal exploité économiquement, volontairement ou non.

Et côté investissements ? On imagine mal le Vatican jouer en Bourse…

Et pourtant si. La Banque du Vatican — l’IOR — et l’APSA, qui gère les biens du Saint-Siège, placent des fonds dans des actifs financiers. En 2023, la banque a généré 30 millions de bénéfices, mais ça reste insuffisant face aux déficits.

Cette mauvaise gestion, est-elle due à un manque de compétence ou à autre chose ?

C’est multifactoriel. Il y a des coûts élevés — 515 millions pour les salaires, par exemple — mais aussi un historique de mauvaise gouvernance, voire de scandales financiers. On pense à l’affaire Becciu ou aux fuites "Vatileaks". Pendant longtemps, la gestion a été peu transparente, voire baroque.

Est-ce que le pape François a essayé de remettre de l’ordre dans tout ça ?

Oui, des réformes ont été lancées : contrôle des budgets, fermeture de comptes suspects, création d’un secrétariat pour l’économie… Mais ces efforts peinent à inverser la tendance. Le fonds de pension du Vatican est en déficit, les dons chutent, et chaque année, ils doivent vendre des biens pour boucler le budget.

En clair, si rien ne change, on court à la catastrophe ?

Disons que le risque d’une crise financière majeure n’est pas à exclure. Le nouveau pape Léon XIV hérite d’un chantier titanesque. S’il veut restaurer la confiance et assurer la pérennité de l’Église, il va devoir moderniser la gestion, professionnaliser les finances, et surtout rendre le système plus transparent.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.