L'éco de Marc Tempelman

L’église anglicane vend les pétroliers

L’église anglicane vend les pétroliers

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

De quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

Nous avons pu échanger sur la finance socialement responsable à plusieurs reprises. Pour le dernier édito avant un été qui s’annonce très chaud, je voulais aborder ce thème à nouveau, car l’actualité s’y prête. En effet, l’Église anglicane vient de prendre quelques décisions dans le domaine.

J’imagine que l’Église anglicane est plutôt en faveur de la transition énergétique et de la protection de la planète. Mais quel est son rapport avec la finance verte et éco-responsable ?

Figurez-vous que l’Église anglicane gère beaucoup d’argent. Tout comme le Vatican d’ailleurs. Et l’institution investit elle-même cet argent, afin de le faire fructifier. La direction de l’église vient de décider qu’elle vendrait la totalité des actions qu’elle détient dans Shell, Total, Exxon, BP et 7 autres producteurs de pétrole, estimant qu’aucune de ces sociétés était alignée avec les efforts de stopper le réchauffement climatique.

L’Église anglicane est-elle connue pour ses positions en la matière ?

Oui. Son parlement - car oui, l’Église anglicane est dirigée par un parlement - avait annoncé en 2018 qu’elle vendrait en 2023 ses parts dans les entreprises actives dans les énergies fossiles qui ne faisaient pas suffisamment d’efforts pour combattre le changement climatique.

Depuis 2018, ses représentant·es, qui gèrent plus de 13 milliards de livres streaming, ont engagé des discussions intenses avec les dirigeant·es des grandes sociétés pétrolières afin de les pousser à changer leurs modèles d’affaires.

Ces efforts de lobbying par l’Église anglicane ont-elle donné des résultats ?

Pas vraiment. Elle a donc exécuté sa menace et a commencé à vendre ses parts dans 20 différentes sociétés pétrolières en 2021. Elle vient donc de décider de sortir des 11 sociétés pétrolières qu’elle avait encore en portefeuille, avant la fin de l’année. Car selon ses analystes, aucun de ces producteurs de pétrole n’est aligné avec les objectifs de l’Accord de Paris.

Pour rappel, sous l’Accord de Paris les nations s’étaient accordées pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2 degrés, et idéalement à 1,5 degré, par rapport aux niveaux pré-industriels.

Est-ce que la vente des actions par l’Église anglicane est un moyen efficace pour punir les dirigeant·es des groupes pétroliers ?

C’est une excellente question et un vrai débat. Pendant longtemps, l'Église anglicane estimait qu’en tant qu’actionnaire, elle avait l’opportunité de forcer le débat au sein de ces grosses sociétés. Et que c’était justement en détenant des actions des compagnies pétrolières qu’elle pouvait les pousser dans la voie de la décarbonation. D’ailleurs, bien qu’étant un actionnaire très petit, elle avait réussi à soumettre des résolutions à l’assemblée générale d’Exxon et mené des discussions pour le compte de Climate Action 100, un collectif 700 investisseur·ses en faveur de la transition énergétique.

Mais John Ball, le directeur général du fonds de pension de l'église, a décidé de jeter l’éponge quand il a observé que plusieurs gros pétroliers, notamment Shell et BP, étaient revenus sur leurs engagements sur la transition énergétique.

Avez-vous quelques exemples à nous donner ?

Oui. Shell a informé ses actionnaires ce mois-ci qu’elle continuera de développer son activité de gaz naturel, tout en maintenant sa production de pétrole aux niveaux actuels jusqu’en 2030. En février, BP a annoncé qu’elle ne réduirait pas sa production de pétrole de 40 % comme initialement prévu, mais qu’elle vise désormais une baisse de 25 % en une décennie.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.