Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, nous parle d'Apple, qui vient d’annoncer que ses utilisateurs aux Etats-Unis pourront bientôt ouvrir un compte d’épargne rémunéré. La marque à la pomme s’invite de plus en plus dans le monde bancaire. De façon plus générale, est-il vrai qu’Apple se repose de plus en plus sur les services pour gagner de l’argent et continuer de croître?
Apple est aujourd’hui la plus importante entreprise au monde, par valorisation boursière. Et si sa croissance a longtemps dépendu de l’iPhone, aujourd’hui c’est beaucoup moins le cas. Certes les produits, dont le fameux iPhone mais aussi l’iPad et les MacBook représentent toujours la majorité des revenus. Mais les Services représentent une part croissante du chiffre d’affaires, et ce sont les Services qui croient plus vite.
Quand vous parlez de services, vous faites bien allusion aux services de stockage de données sur iCloud, et à l’App Store ?
Oui, auxquels on peut ajouter les abonnements à Apple Music et à Apple TV+. Et aussi, depuis quelques années, les services de paiement, comme Apple Pay et la carte de crédit Apple Card, proposée aux utilisateurs américains depuis 2019. L’ensemble à généré près de 20 milliards de Dollars de revenus au dernier trimestre. Et Apple a aujourd’hui plus de 860 millions de personnes qui possèdent au moins un abonnement payant.
Alors pourquoi Apple s’étend autant dans les services financiers ?
Parce qu’elle possède énormément d’atouts pour réussir dans un domaine pourtant ultra-concurrentiel. Tout d’abord, la marque jouit d’un grand capital confiance et est déjà mondialement connue. L’iPhone est déjà dans les poches de plus d’un milliard de personnes à travers le monde et depuis cette année plus d’un smartphone sur deux vendu aux États-Unis est un iPhone. L’acquisition de clients pour ses services financiers est ainsi grandement facilité.
En outre, Apple dispose d’énormément de données sur ses utilisateurs. Ce qui lui permet d’offrir des parcours clients simplifiés et courts. Elle n’a pas besoin de demander les coordonnées de celui ou celle qui veut bénéficier d’un crédit court terme, elle les possède déjà.
Enfin, Apple peut exploiter les nombreuses informations qu’elle possède sur le comportement des utilisateurs. Ses systèmes informatiques savent qui parmi ses clients règle ses factures toujours à l’heure, et qui prend parfois du retard. Qui dispose de beaucoup d’argent sur son Wallet et où ils le dépensent. Et ainsi de suite. Elle peut donc mieux cibler ses utilisateurs, et le faire au bon moment.
Donc Apple est en train de devenir une banque ?
Oui, mais en apparence uniquement. Car elle n’a pas le statut d’une banque et ne s’encombre donc pas des lourdeurs réglementaires qui y sont associées. C’est sans doute un avantage compétitif majeur, car cela lui permet d’engranger les bénéfices sur les services financiers, sans avoir à se conformer aux nombreuses exigences de reporting, de contrôle et de capitaux propres qui sont imposées aux banques supervisées.
Ce n’est pas une forme de concurrence déloyale ? Les grandes banques doivent se sentir menacées, non ?
Oui, absolument. D’ailleurs Jamie Dimon, le patron de la plus grosse banque au monde, JP Morgan a récemment tiré la sonnette d’alarme.
Pour le paraphraser, il a précisé que si l’on mouvemente de l’argent, si l’on prête de l’argent, si l’on place de l’argent, ... eh bien, cela s’appelle une banque. Dit autrement, les grandes institutions ont bien identifié la menace que constitue un acteur aussi connu et aussi puissant qu’Apple. Mais pour l’instant, elles ne peuvent pas se battre à armes égales avec le mastodonte de Cupertino. Affaire à suivre.
Entretien réalisé par Laurence Aubron