Nous accueillons Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee. Nous discutons toutes les semaines de finance. Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
Le président Putin exige que les pays étrangers achètent leur gaz russe en payant en roubles. Pour paraphraser la vieille blague, son ultimatum à l’Europe est «pas de roubles ? pas de gaz». La semaine dernière, Putin a signé un décret que des nations perçues comme étant non-amicales doivent régler leurs factures de gaz en roubles, en versent les sommes dues sur un compte à la Gazprombank.
Sa décision unilatérale va à l’encontre du droit international. Alors la question à un million de roubles est bien sûr pourquoi il a pris cette décision ?
Alors il y a un élément de représailles. Les pays de l’Ouest ont imposé des sanctions dures à la Russie. Ils ont notamment bloqué une partie des réserves internationales de la banque centrale russe et coupé l’accès au système de messagerie SWIFT. Pour régler les factures de gaz en roubles, l’Europe serait obligée de briser son propre embargo, et devra interagir avec la banque centrale et le système bancaire russe.
Donc la mesure n’aide pas la banque centrale russe à soutenir sa devise nationale ? Depuis le début de l’année, le cours du rouble a fortement chuté, notamment sous l’effet des multiples sanctions.
Pas tant que cela. À date, les livraisons de gaz par la Russie aux pays européens sont effectivement réglées en euros. Moscou reçoit donc des devises étrangères, qu’elle peut convertir en roubles. En ce faisant, elle vend les euros, et elle achète des roubles, ce qui soutient automatiquement le rouble. Exiger que les paiements soient effectués en roubles, ne fait que déplacer l’opération de change de la banque centrale russe à l’acheteur, qui doit maintenant de son côté vendre ses euros, pour acheter des roubles.
D’accord donc la décision est bien très largement une décision politique. Mais est-ce que cette mesure pourrait remettre en cause le rôle dominant que jouent aujourd’hui le dollar américain et l’euro dans les échanges internationaux ?
C’est une bonne question. En effet, aujourd’hui le Dollar est la devise par défaut dans lesquels se font les échanges entre pays. Le baril de pétrole, l’once d’or et le transport maritime par exemple sont tous cotés en Dollars. L’euro joue un rôle similaire. Par conséquent, les banques centrales du monde, y compris celle de la Russie d’ailleurs, cherchent toujours à détenir des dollars, des euros et une poignée d’autres devises dans leurs livres. Ces devises étrangères sont bien utiles lors qu’il s’agit de soutenir sa devise ou de repayer ses dettes.
Cet état de fait est une aubaine pour les États-Unis et pour l’Europe, qui trouvent dans les banques centrales du monde entier des détenteurs naturels de leurs devises et de leurs dettes.
Il s’en suit que si le rôle du Dollar et de l’Euro était réduit dans les échanges internationaux, la demande des investisseurs internationaux de toujours en avoir dans leurs portefeuilles pourrait baisser.
Je finis le raisonnement. Si tel était le cas, alors le résultat ultime pourrait être une dépréciation du dollar par rapport à d’autres devises. Ce qui arrangerait bien les affaires de Putin.
Oui, et pas que de Putin. Il existe bien d’autres pays qui se rendent compte que le rôle prépondérant que joue le dollar américain dans le commerce international a donné une arme puissante aux États-Unis, dont ils usent de plus en plus dans leurs négociations internationales.
Comment ont réagi les acheteurs étrangers du gaz russe ?
L’Union Européenne résiste et conteste la décision unilatérale du président russe. Et se préparent en même temps à une interruption possible des livraisons de gaz russe dans les prochains jours.
Juridiquement parlant, si les deux parties n’arrivent pas à un accord, le débat sera soumis à une cour d’arbitrage à Stockholm. Mais la société Gazprom a des douzaines de contrats à renégocier et l’analyse juridique prendrai donc sans doute beaucoup de temps. Toujours selon les termes des contrats en place, tant que la dispute juridique n’est pas résolue, le gaz est sensé continuer à être livré. Mais opérationnellement, Gazprom peut couper le robinet quand il veut.
Le chancelier Allemand Olaf Scholz a déjà prévenu que l’Allemagne pourrait alors décider de rationner la fourniture d’électricité à l’industrie.
Marc Tempelman au micro de Laurence Aubron
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