Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
De quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
Vendredi 25 novembre ce sera Black Friday, le jour où - notamment aux États-Unis - de nombreux marchands proposeront d’importantes soldes. À cette occasion, je me suis posé la question si les soldes s'appliquaient également aux marchés financiers.
Depuis le début de l’année le cours de la plupart des actions a beaucoup baissé. Nous pourrions décrire cette situation comme un environnement dans lequel les actions sont soldées, c’est ça ?
C’est exactement ça. Depuis janvier, l’indice S&P 500 des actions américaines a perdu un peu plus d’un cinquième de sa valeur. Mais l’indice NASDAQ, où sont notamment cotées les mastodontes technologiques, a chuté de presqu’un tiers. Si on se penche sur des titres individuels, les actions d’Amazon, de Netflix et de Meta ont perdu respectivement 48, 58 et 70% de leurs valeurs. Il n’y a pas de doutes, les actions technologiques sont en soldes.
Oui, mais comme nous le savons tous, ce n’est pas parce qu’un objet est en soldes qu’il s’agit nécessairement d’une bonne affaire.
Vous avez - de nouveau - raison. Et donc il s’agit de déterminer si aux niveaux de cours actuels, ces actions représentent une aubaine. Certains investisseur·euses se spécialisent dans cet exercice. On les appelle les “value investors” ou investisseur·euses orientés vers la valeur. Ils·elles essaient d’identifier et d’acheter des actions d’entreprises cotées peu aimées ou délaissées par le marché, qui sont pourtant performantes et solides.
Très bien, alors comment fait-on pour évaluer l’attractivité d’une action sur la base de son prix ?
L’inventeur du value investing est un certain Benjamin Graham, un académicien et auteur qui a notamment inspiré le multimilliardaire Warren Buffett. Ces deux investisseurs légendaires évaluent l’attractivité d’une société donnée notamment sur deux critères. Premièrement, le ratio du prix de l’action par rapport aux revenus de la société. Une façon simple de comparer la valeur d’une entreprise avec ses profits. Deuxièmement, le ratio du prix de l’action par rapport à la valeur comptable. Ce second ratio permet de comparer la valeur de l’entreprise à la valeur de ses actifs, tels que des usines, des machines et le stock de marchandises.
J’imagine que sur la base de ces deux ratios, les grandes entreprises technologiques comme Apple, Google et Netflix apparaissaient comme étant très coûteuses ?
Absolument. Leurs actions s’échangeaient en moyenne à 38 fois les revenus et 12 fois la valeur comptable. Ces deux chiffres sont à comparer à 24 fois les revenus et 4 fois la valeur comptable pour les sociétés incluses dans l’indice Russell 1000, qui regroupe un très grand nombre d’entreprises de tout type de secteur. Et les multiples des grandes sociétés de la tech étaient encore plus éloignés des niveaux ciblés par Benjamin Graham, qui cherchait des sociétés dont les actions s’échangent à moins de 15 fois les revenus et moins d’une fois et demie la valeur comptable.
Comment les ratios des sociétés technologiques ont-elles pu autant s’envoler ?
Alors, cela se justifie en partie par leur caractéristiques intrinsèques. Des entreprises comme Alphabet, Zoom ou Meta ne possèdent typiquement que peu d’actifs comptables, et beaucoup d’actifs intangibles, comme des logiciels et du capital humain. Par ailleurs, elles ont tendance à se développer très rapidement. Lorsqu'on mesure le prix de leurs actions contre leurs revenus actuels, cela sous-estime la valeur des revenus futurs.
Alors, pour conclure, est-ce que les actions technologiques sont redevenues attractives après la récente chute de leurs actions en bourse ?
En prenant les deux ratios comme référence, certaines potentiellement. Alphabet, le parent de Google, s’échange désormais à 17 fois les revenus et Meta, anciennement Facebook, à seulement 9 fois les revenus. Ce n’est pas à moi de recommander telle ou telle action à l’achat. Mais le constat est clair, les actions des sociétés technologiques sont beaucoup moins chères qu’au début de l’année.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.