Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
Marc, Warren Buffett vient d’annoncer son départ à la retraite après plus de soixante ans à la tête de Berkshire Hathaway. Pourriez-vous nous rappeler les grandes étapes de sa carrière et ce qui fait de lui une légende dans le monde de l’investissement ?
Warren Buffett, c’est d’abord une histoire d’intuition et de discipline. Né en 1930 à Omaha, il s’est très tôt passionné pour la finance. Après des études à Columbia, où il a été formé par Benjamin Graham, il a lancé ses premiers partenariats d’investissement dans les années 1950. Mais c’est en 1965, lorsqu’il prend le contrôle de Berkshire Hathaway, alors une entreprise textile en difficulté, que sa légende commence vraiment. Il transforme ce qui n’était qu’une coquille en un conglomérat tentaculaire, investi dans l’assurance, le ferroviaire, la finance, l’énergie, la distribution, la technologie… Son parcours est jalonné de paris audacieux, de patience et d’une capacité rare à traverser les crises sans céder à la panique. Son activité lui a permis de devenir un des hommes les plus riches du monde.
Justement, le style d’investissement de Buffett est souvent cité en exemple. Quelles en sont les grandes caractéristiques ?
Buffett est l’incarnation du « value investing ». Il recherche des entreprises sous-évaluées, mais avec un avantage concurrentiel durable – ce qu’il appelle un « moat », ou fossé défensif. Il privilégie la qualité de la gestion et la génération de cash-flow, et n’hésite pas à conserver ses positions pendant des décennies. Sa devise : « Il vaut mieux acheter une entreprise formidable à un prix raisonnable qu’une entreprise raisonnable à un prix formidable. » Autre point clé : il concentre ses investissements sur un nombre limité de sociétés qu’il comprend parfaitement – Coca-Cola, American Express, Apple, l’assureur Geico … Enfin, il a su tirer parti des différentes crises pour acquérir des sociétés ou des parts de sociétés à prix cassés. C’est ainsi qu’il est devenu actionnaire de référence en 2008 et en pleine crise financière de Bank of America et de Goldman Sachs.
Quels ont été les rendements générés pour les investisseurs de Berkshire Hathaway ?
Ils sont tout simplement phénoménaux. Depuis 1965, Berkshire Hathaway a surperformé le S&P 500 de plus de 4,3 millions de points de pourcentage cumulés. Sur la dernière décennie, le rendement total de Berkshire est de 165 %, contre 211 % pour le S&P 500. Le rendement annuel moyen de Buffett sur cette période est de 10,2 %, ce qui reste remarquable compte tenu de la taille du portefeuille. Il faut noter que Buffett lui-même a prévenu que ces rendements «époustouflants» ne seront sans doute plus possibles à l’avenir, simplement parce que Berkshire est devenu trop gros pour profiter des mêmes opportunités qu’autrefois.
On sent que la succession de Buffett est une question cruciale. Greg Abel, un de ses fidèles lieutenants depuis des décennies, a été désigné pour lui succéder. Quels sont les principaux défis qui l’attendent ?
Le défi est immense. Greg Abel, qui dirigeait jusqu’ici les activités hors assurance de Berkshire, est reconnu pour sa rigueur et sa capacité à fédérer. Mais il devra investir près de 10 milliards de dollars de cash générés chaque trimestre, dans un marché où les opportunités à la taille de Berkshire sont rares. Il devra aussi préserver la culture unique de Berkshire – autonomie, discipline, intégrité – tout en imprimant sa propre marque. Enfin, Abel devra gérer des risques nouveaux, notamment des litiges importants dans l’énergie, et faire face à des attentes très élevées de la part des actionnaires.
Pour finir, quelles leçons les investisseurs individuels peuvent-ils tirer de l’approche de Warren Buffett ?
La patience, la discipline, la capacité à penser à contre-courant, et l’humilité face aux erreurs. Buffett a toujours insisté sur l’importance d’investir dans ce que l’on comprend, de ne pas suivre la foule, et d’apprendre de ses échecs. Son parcours est une source d’inspiration pour tous ceux qui veulent investir sur le long terme, avec rigueur et bon sens.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.