L'éco de Marc Tempelman

La BCE, les banques et la relance économique - l'Eco de Marc Tempelman #4

La BCE, les banques et la relance économique - l'Eco de Marc Tempelman #4

Nous accueillons Marc Tempelman, un des co-fondateurs de la FinTech Cashbee, qui aide les Européens à épargner plus et mieux, via son application d’épargne simple et sécurisée. Nous discutons toutes les semaines de finance. Bonjour Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

On nous parle beaucoup des plans de soutien absolument inédits que les gouvernements annoncent depuis des mois. Des centaines de milliards d’euros ont déjà été injectés dans l’économie pour financer le chômage partiel, soutenir les industries les plus touchées et investir dans la transition écologique au passage. Ces plans de relance massifs ont éclipsé le rôle que les banques jouent dans la relance. Et si nous en parlions ?

Rappelez-nous quel rôle elles jouent, en partant de loin, car nos auditeurs ne sont pas tous des anciens banquiers comme vous !

Qu’on les aime ou qu’on les déteste, les banques jouent un rôle crucial dans l’économie. Ce sont elles qui permettent de faire circuler l’argent, de ceux qui en ont – c’est-à-dire les épargnants comme vous et moi - vers ceux qui en ont besoin, typiquement les personnes qui souhaitent emprunter pour acheter une maison ou des entreprises qui souhaitent investir en embaucher.

Ce principe fondamental s’appelle la transformation bancaire.

Je vois déjà un premier problème. Quand je dépose mon argent à la banque, je peux le retirer quand je veux. Or les gens qui empruntent pour leurs achats immobiliers le font typiquement pour 10 ans ou plus.

Bien vu. Ce décalage dans le temps n’est pas un problème tant que les épargnants gardent confiance dans les banques. Si cette confiance existe, il est statistiquement peu probable que l’ensemble des clients d’une banque décident en même temps de retirer leur argent. 

Et pour préserver cette confiance, le secteur est surveillé de près par la Banque de France, qui impose des règles de gestion aux banques afin d’en garantir la solidité financière.

Comment est assurée cette robustesse financière ?

Cela commence par le capital. La réglementation européenne impose à toutes les banques, des niveaux de capitaux minimaux, qui varient selon la taille et la complexité de la banque. Plus une banque est grosse, et plus elle opère dans une multitude de pays, et plus elle devra disposer de capitaux propres. Il est normal qu’une banque universelle comme BNP Paribas ait beaucoup plus de capital que PSA Banque, par exemple.

Les règles de calcul du capital minimal nécessaire sont devenues de plus en plus complexes. Mais après la crise financière de 2008, pendant laquelle de nombreuses banques ont dû être sauvées, le régulateur a mis l’accent sur un ratio particulièrement utile, le ratio de levier.

Comment se calcule ce ratio de levier ?

C’est facile. Il s’agit de diviser le total des capitaux propres de la banque, par le total de ses actifs, c’est-à-dire le total de ses prêts en tous genres.

Ce ratio doit atteindre au moins 3% pour tout prêteur à partir de juin 2021. Plus ce ratio est élevé, plus la banque en question est robuste. La bonne nouvelle est qu’à la fin du mois de mars dernier, les banques européennes affichaient un ratio de levier de 5,36% en moyenne, largement au-dessus du minimum requis.

So far, so good. Donc plus une banque est capitalisée, plus son ratio de levier sera élevé. Et plus elle sera en mesure de prêter de l’argent aux entreprises et aux particuliers, stimulant ainsi l’activité économique, c’est ça ?

Exactement. Et c’est sur ce ratio de levier que la Banque Centrale Européenne a récemment œuvré, pour faciliter la vie aux banques.

Comment précisément ? 

De deux façons. Tout d’abord en interdisant aux banques de verser des dividendes à leurs actionnaires. En gardant les profits du passé dans leurs livres, les banques ont renforcé leurs capitaux propres, c’est-à-dire le numérateur du ratio de levier. Il s’agit quand même dequelques 30 milliards d’euros.

Mais la BCE ne s’est pas arrêtée là et a décidé de suivre les pas de son homologue américain, la FED, en travaillant aussi sur le dénominateur. Depuis quelques jours elle a donc revu le calcul du ratio en ne tenant plus compte des liquidités déposées par les banques à la BCE. 

Or les banques européennes ont, ensemble, déposé quelques 2 trilliards d’euros à la BCE. Les banques peuvent aujourd’hui exclure cette somme du dénominateur de leur ratio de levier. La BCE a ainsi “libéré” 73 milliards d’euros de capital de plus, presque par magie.

Mais ce n’est pas de la manipulation comptable ?

Nous ne pensons pas. Cette mesure n’est pas totalement illogique. Puisqu’on peut raisonnablement estimer que toute somme d’argent déposée à la BCE est en sécurité, il était probablement ultra-conservateur que de demander aux banques de mettre du capital de côté pour ces dépôts.  

En conclusion ?

Au-delà de fournir les Prêts Garantis par l’Etat aux entreprises pour le compte du gouvernement, les banques jouent un rôle bien plus large dans la stimulation de l’économie, en avançant les fonds à ceux qui souhaitent investir.

Il est crucial de toujours préserver l’équilibre entre la confiance des épargnants dans le système bancaire (ce qui exige des niveaux de capitaux élevés et une supervision stricte) et la flexibilité commerciale de pouvoir prêter quand les circonstances l’imposent. La BCE a prouvé récemment être sensible aux deux !