Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
Aujourd’hui, on s’intéresse au Livret A, ce placement préféré des Français qui traverse une période de baisse de régime. La collecte du mois de mars, de quelques centaines de millions d’euros, est en très forte baisse par rapport au passé.
Effectivement, le Livret A marque le pas. Au premier trimestre de 2025, ce Livret réglementé n’a collecté que 1,7 milliards d’euros. Sur la même période en 2024, la collecte a dépassé 6 milliards d’euros.
Ce chiffre est aussi à comparer avec la collecte sur l’assurance vie, qui se maintient très bien. Rien qu’au mois de février les épargnants français ont versé 5,8 milliards d’euros sur ce support d’épargne très populaire.
Donc la baisse de la collecte sur le livret A ne reflète pas un effort d’épargne en baisse. Les Français continuent de mettre beaucoup de côté. Mais ils mettent cet argent ailleurs que sur le Livret A.
C’est sans doute parce qu’ils sont moins attirés par la rémunération du Livret A qui est tombé de 3% à 2,4% en février. Vous dîtes qu’elle pourrait baisser encore plus ?
Alors, le taux du Livret A est calculé deux fois par an, en janvier et en juillet, en fonction d’une formule qui prend en compte l’inflation et les taux interbancaires. Or, l’inflation a nettement ralenti. En France, elle se situe désormais autour de seulement 1%. Et les taux du marché monétaire ont aussi légèrement baissé. Donc les deux composants de la formule ont beaucoup baissé laissant présager une révision à la baisse du taux du Livret A au 1er août prochain.
Mais pourquoi parle-t-on précisément de 1,70 % ?
C’est une estimation qui découle de la formule théorique de calcul. Si on applique strictement cette formule aujourd’hui, on arrive à un taux aux alentours de 1,70 %. Alors, la Banque de France et le Ministère de l’Économie et des Finances peuvent décider de s’écarter de la formule et proposer un « coup de pouce » pour fixer le taux du livret A à 2% par exemple. Mais vu le contexte économique, rien n’est moins certain.
Et cette perspective de baisse, elle freine déjà les épargnants ?
Non, le désamour des épargnants vis-à-vis du Livret A est surtout lié au fait que même au niveau actuel de 2,40%, il y a de meilleures solutions à trouver ailleurs. Pour ceux qui recherchent la sécurité et la liquidité - qui sont deux atouts importants du Livret A - les comptes à terme, l’assurance-vie en fonds euros, et les fonds monétaires offrent des rendement plus attractifs.
Mais on peut aussi noter que les jeunes générations sont plus attirées par des actifs risqués, comme l’investissement en bourse, ou de crypto-devises. En investissant en actions ou en bitcoin, ils détournent de l’épargne qui aurait pu aller sur le Livret A.
De la même façon, il faut aussi observer l’attrait actuel de l’or. Le métal jaune a vu son cours flamber depuis le début de l’année. Même phénomène, les investisseurs qui ont choisi de mettre une partie de leur épargne à l’abri en investissant dans des lingots ne mettent pas cet argent sur le Livret A.
La baisse attendue du taux à 1,70% en août ne ferait qu’accroître ce mouvement de détournement.
Est-ce que ça signifie que les Français vont massivement retirer leur argent du Livret A cet été ?
Je ne pense pas qu’on verra des retraits massifs, car les épargnants individuels ne rationalisent pas à ce point l’allocation de leur épargne.Mais on peut tout à fait anticiper une stagnation des encours, voire une décollecte ponctuelle. Le Livret A reste un produit très liquide, sans risque, et il bénéficie d’une exonération fiscale. Mais il perdra un peu de son statut de valeur refuge. On devrait observer un report progressif vers des placements plus rémunérateurs.
Donc, à partir d’août, on pourrait voir le Livret A redevenir ce qu’il était avant la flambée inflationniste : un produit d’attente, mais pas d’accumulation ?
Exactement. Il redeviendra probablement ce qu’il a longtemps été : un support de précaution, utile pour des besoins de court terme, mais plus vraiment compétitif en période de taux bas. Il faudra attendre une remontée durable des taux pour qu’il retrouve tout son attrait.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.