Bonjour Simon, je pensais que nous pouvions nous pencher sur le sujet de la liquidité, une notion financière tellement galvaudé qu’elle est entrée dans le langage commun pour signifier l’argent que nous avons en poche, et auxquels nous référons souvent comme « avoir du liquide ».
Très bien, mais pourquoi cette thématique aujourd’hui, alors que je m’attendais à ce que nous parlions à nouveau des mouvements violents qu’ont connu les places financières récemment ?
Rassurez-vous, les deux sujets sont intimement liés. Je m’explique. Au-delà de signifier l’argent qu’une personne peut avoir en poche, la liquidité est aussi une notion économique qui décrit le niveau de facilité avec lequel nous pouvons vendre ou acheter un titre donné. Prenons deux exemples concrets : la société Apple est cotée en bourse et a émis 4,3 milliards d’actions au total, dont 31 millions changent de mains tous les jours en moyenne. Et comme il y a de nombreux acheteurs et de vendeurs d’actions Apple, ces titres s’échangent donc facilement, bénéficiant d’une très bonne liquidité.
Mais ce degré de liquidité pâlit devant les 240 milliards de dollars de US Treasuries qui s’échangent quotidiennement. On dit du marché des obligations d’État américain qu’il est très liquide.
D’accord, mais quelle importance ?
Eh bien, dans un marché normal, les prix évoluent progressivement. Quand Apple annonce de bonnes nouvelles, cela peut déclencher des envies d’achats auprès de certains épargnants, qui vont alors placer leurs ordres. S’ils sont suffisamment nombreux, cela fera grimper marginalement le cours de bourse de l’action Apple car il faudra payer un peu plus cher que la veille pour trouver des investisseurs prêts à vendre leurs titres.
Cela nous permet donc d’avoir une grande confiance dans la valeur affichée de l’action Apple, puisqu’on est à peu près certain de pouvoir acheter ou vendre le titre au prix indiqué.
Pour les obligations d’État américaines cette confiance dans le prix affiché est cruciale, car les US Treasuries jouent un rôle de référencement pour de nombreux autres titres. Des prêts bancaires sont indexés sur son taux d’intérêt. Les coupons des obligations émises par de grands groupes industriels sont calculés par référence au titre d’État. C’est un instrument de choix pour des opérations de couverture. Enfin, il s’agit d’un actif que de nombreux épargnants achètent lorsqu’ils souhaitent s’extraire du marché actions, diminuer leur exposition au risque et qu’ils veulent se mettre à l’abri.
Ah, je commence à voir le lient avec la crise financière actuelle !
Exactement. Quand les volumes de transactions augmentent brutalement, et que les prix chutent et remontent très rapidement, les banques ne peuvent plus être certains de pouvoir trouver un vendeur de US Treasuries pour tout acheteur qui souhaite en acquérir et inversement. Et elles ne souhaitent ni se trouver à stocker des volumes importants de Treasuries en les achetant aux épargnants qui veulent les vendre sans avoir identifié des acheteurs potentiels, ni se trouver à court de Treasuries en en vendant massivement à des épargnants désireux d’en acheter, sans savoir d’avance où elles peuvent les racheter.
Et par conséquent le prix qu’elles affichent pour les acheter va s’écarter du prix auquel les banques sont prêtes à vous les vendre. Ce qui équivaut à assécher la liquidité des échanges et donc de contribuer à la volatilité des prix. En termes concrets, cela met de l’huile sur un feu déjà bien attisé.
La Fed a d’ailleurs bien compris l’importance de préserver et de protéger la liquidité dans ce marché de référence, en mettant à la disposition des banques des milliards de dollars de financement peu cher. En d’autres termes…. En injectant de la liquidité.