Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
De quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
L’Oréal vient d’annoncer l’acquisition de la marque de soins de la peau Aesop pour 2 milliards et demi d’euros. Je pensais que cet achat pourrait nous permettre d’échanger sur le sujet des fusions et acquisitions. Un sujet dont on parle beaucoup dans la presse, mais que nous sommes nombreux à avoir du mal à comprendre.
D’accord. Commençons peut-être par comprendre pourquoi L’Oréal a voulu acquérir cette marque.
Depuis sa création en 1909, L’Oréal est devenu le leader mondial dans le secteur des cosmétiques. Elle a su grandir et augmenter ses parts de marché à travers une stratégie multi-marques, comme Lancôme ou Garnier, qui lui permet de servir tous les segments de clients. Depuis sa création, le groupe a réalisé des acquisitions de jeunes marques, comme Kiehl’s ou CeraVe, avec pour objectif d’utiliser sa taille, sa présence mondiale et son expertise pour en doubler ou tripler les ventes.
Aesop remplit les deux critères qu'emploie L’Oréal pour juger de la pertinence d’une acquisition possible : le potentiel de croissance organique d’une marque, et sa complémentarité au portefeuille de marques qu’elle possède déjà.
Très bien. Maintenant pourquoi Aesop était à vendre ? Car il faut bien un vendeur pour qu’il y ait acquisition.
Vous avez raison. Au départ, Aesop est une société australienne, qui élabore des savons de luxe éco-responsables. La marque est adorée par les consommateurs plus jeunes, qui apprécient son esthétique minimaliste et son éthique de beauté responsable. Le groupe Natura a pris le contrôle de Aesop et sous son impulsion, la marque passe de 60 à 400 points de vente et multiplie ses revenues par 10 pour atteindre 537 millions de Dollars en 2022.
Mais Natura s’est endetté pour financer l’expansion du groupe, et cherchait des solutions pour alléger le poids de la dette. Elle a finalement décidé de mettre son joyau en vente.
Alors comment s’est déterminé le prix de vente ? De prime abord, 2 milliards et demi de Dollars peut paraître comme un prix élevé pour une société dont les ventes dépassent à peine 500 millions de Dollars par an.
Oui, par rapport au chiffre d’affaires, c’est cher payé. Mais dans ces situations, il ne faut pas seulement observer les ventes de l’année dernière, mais aussi tenir compte du potentiel de ventes futures. Or Aesop augmente ses ventes de 20 % par an, un rythme trois fois supérieur à la moyenne dans le secteur. Et puis il faut tenir compte de la marge que la société réalise sur ses ventes. Or Aesop excelle dans ce domaine, avec une marge brute d’environ 87 %, supérieure à la marge brute de L’Oréal, qui pourtant fait figure d’exemple à suivre dans le domaine.
Et puis j’imagine que le prix dépend aussi de la concurrence qu’il peut y avoir pour une marque donnée.
Tout à fait. Pour signer le deal, L’Oréal a dû surenchérir sur les offres de ses rivales LVMH, Shisheido et Clarins.
C’est donc simplement une histoire de prix ?
Non, c’est sans doute un élément crucial dans toute procédure de vente, mais qui doit se combiner avec un facteur humain.
Et sur ce plan, L’Oréal avait plusieurs atouts à faire valoir. Le nouveau patron de L’Oréal, Nicolas Hieronimus, et son prédécesseur Jean-Paul Agon connaissaient bien leurs contreparties chez Natura. Car le groupe français leur avait vendu The Body Shop en 2017.
Par ailleurs, L’Oréal a pu démontrer comment elle avait une expertise démontrée pour faire grandir des marques plus petites. Elle pouvait notamment souligner comment elle a réussi à décupler les ventes de CeraVe dans les 5 années ayant suivi l’acquisition de cette jeune marque des soins de la peau en 2017. CeraVe est désormais une des 11 marques du groupe dont les ventes dépassent le milliard d’euros par an.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.