L'éco de Marc Tempelman

La dette grecque négative - L'éco de Marc Tempelman

La dette grecque négative   - L'éco de Marc Tempelman

Nous accueillons Marc Tempelman, le co-fondateur de la plateforme d’épargne mobile Cashbee. Nous parlons toutes les semaines de finance. 

Si j’ai bien compris, on va parler aujourd’hui de la dette grecque. Nous en avons énormément parlé durant la crise financière, quand la Grèce était au bord de la faillite. Mais depuis, le sujet fait moins souvent la une. Pourquoi en parlons-nous aujourd’hui ?

Je pensais qu’il était pertinent de revenir sur le sujet de la dette grecque justement parce qu’il y a quelques années encore le pays était effectivement au bord du gouffre. Et avait donc beaucoup de mal à se financer. Sans que les choses aillent tellement mieux aujourd’hui sur le plan économique, figurez-vous que la dette grecque est passée à rendement négatif la semaine dernière !

Je voudrais m’assurer de bien comprendre. Quand vous dites que la dette est passée à rendement négatif, ça veut dire que si un investisseur achète des obligations de l’État Grec, il est sûr de se faire rembourser moins que sa mise initiale, n’est-ce pas ?

C’est exactement ça. C’est comme si vous décidiez de prêter de l’argent à un ami, en vous mettant d’accord au départ non seulement sur le fait qu’il n’aura pas à vous verser des intérêts, mais qu’en plus il vous remboursera moins que le montant du prêt initial. 

Je savais que c’était le cas pour la dette des grandes puissances économiques européennes, comme l’Allemagne ou la France. Mais est-ce que l’économie grecque va si bien que cela ? 

Pas vraiment non. Il est peut-être bon de revenir un peu en arrière. Souvenez-vous en 2010, la Grèce doit faire appel au Fonds Monétaire International, la Commission Européenne et de la Banque Centrale Européenne, qui vont lui accorder des aides financières massives. La Grèce obtient également une réduction de 50% de la dette due aux banques en 2011. 

Malgré ce soutien financier massif, la situation économique de la Grèce ne s’est pas beaucoup améliorée. Comme son économie dépend fortement du tourisme, le pays a pris la crise sanitaire de plein fouet. Le ratio de sa dette par rapport au produit national brut a continué de monter, pour dépasser les 200% aujourd’hui. Il s’agit du taux d’endettement le plus élevé en Europe ! 

Et malgré cette situation financière fragile, vous dites que c’est de plus en plus facile, et de moins en moins cher pour la Grèce de s’endetter ?

Oui. Lorsqu’il s’agit de mesurer la facilité d’une personne ou d’un pays à s’endetter, on regarde typiquement trois aspects.

Prenons-les un à un. J’imagine qu’il est d’abord question de combien on peut emprunter. 

En effet. Plus un emprunteur est perçu comme solide, plus le montant qu’il pourra emprunter sera important. Comme le dit le vieux dicton, “on ne prête qu’aux riches”. Sur ce plan, la Grèce se débrouille très bien. Le pays a levé 12 milliards d’euros de dette, sans difficultés l’année dernière. Surtout, lorsque la Grèce a cherché à émettre 3,5 milliards de dette à 10 ans en janvier, son émission obligataire a attiré pas loin de 30 milliards d’ordres d’achat.

Ensuite, il y a la question de la durée d’emprunt. Plus un emprunteur inspire confiance, plus on sera disposé à lui accorder des prêts à long terme.

Dans ce domaine on ne peut pas faire beaucoup mieux que la Grèce. Rares sont les emprunteurs qui peuvent s’endetter sur des durées de plus de 10 ans. Pourtant en mars dernier, la Grèce s’endette à 30 ans. Et lève 2,5 milliards d’euros de dette, face à une demande des investisseurs atteignant 26 milliards d’euros au total.

Ensuite, il y a la question de la durée d’emprunt. Plus un emprunteur inspire confiance, plus on sera disposé à lui accorder des prêts à long terme.

Dans ce domaine on ne peut pas faire beaucoup mieux que la Grèce. Rares sont les emprunteurs qui peuvent s’endetter sur des durées de plus de 10 ans. Pourtant en mars dernier, la Grèce s’endette à 30 ans. Et lève 2,5 milliards d’euros de dette, face à une demande des investisseurs atteignant 26 milliards d’euros au total.

Dernier élément, le fameux taux d’emprunt. Plus un emprunteur est digne de confiance, plus le taux d’intérêt qu’il aura à payer sera faible, n’est-ce pas ?

Exact. Et sur cet axe, le coût de la dette grecque a fortement chuté en quelques trimestres. Au plus fort de la crise sanitaire, le rendement à 10 ans sur de la dette grecque atteignait les 4% environ. Le taux d’intérêt sur le récente émission obligataire à 10 ans a été fixé à 0,8% ! 

Et dans cette chute des taux d’intérêts grecs, le rendement de l’obligation étatique à 5 ans a récemment atteint la barre des 0% !

Alors comment expliquer cette situation extraordinaire, où un pays, pourtant financièrement fragile, arrive à emprunter à un taux négatif ?

La réponse est à trouver dans les mesures de relance mises en place par la Banque Centrale Européenne. Elle achète notamment des volumes importants de dette émise par les États européens. Dont spécifiquement ceux de la Grèce, pourtant moins bien notée que la plupart des autres pays européens.

Voici un acteur aux moyens financiers quasi-illimités qui s’auto-déclare acheteur de dette étatique, sans conditions de prix. Ça limite sacrément le risque pour tout autre acheteur potentiel de voir le prix de ce produit baisser… Et explique donc cette distorsion de marché.

La seule véritable question qui reste est alors jusqu’à quand la BCE maintiendra son programme d’achat. 

Laurence Aubron - Marc Tempelman

Chaque semaine, nous accueillons Marc Tempelman, un des co-fondateurs de la FinTech Cashbee, qui aide les Européens à épargner plus et mieux. Nous discutons avec lui de finance. 

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Photo de Dziana Hasanbekava provenant de Pexels