Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
Nous accueillons Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee. Nous discutons toutes les semaines de finance. Bonjour Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
Bonjour. Les violences récentes en Nouvelle-Calédonie ont fait la une de la presse récemment. Je souhaitais faire le lien entre ces violences et l’évolution du cours du prix du nickel.
Très bien. Parlons d’abord du contexte. Le prix du nickel a-t-il monté ou baissé récemment ?
Oui, le contexte est pertinent. Nous pourrions nous imaginer qu’en tendance le cours de la tonne de nickel ait monté. En effet, il s’agit d’un métal pour lequel la demande s’est accrue fortement. Car il s’agit d’une composante cruciale dans la fabrication de batteries de voitures électriques ou encore dans la production de panneaux solaires..
Mais je soupçonne que - de façon contre intuitive - le prix du nickel a baissé ?
Oui, vous avez raison. Car en anticipation de cette demande, en 2023, l’Indonésie s’est engagé à quadrupler sa production de nickel d’ici 2030. Ce qui a créé une situation où l’offre dépasse de beaucoup la demande, causant une chute du prix du métal. Après un pic à plus de 100 000 Dollars par tonne en 2022, il avait atteint 31 000 Dollars par tonne en 2023. En réaction à l'accroissement de la production en Indonésie, ce prix chute de nouveau de plus de 30%. L’Indonésie est de loin le pays qui en produit le plus. Il représente à lui seul plus de la moitié de la production mondiale. Il peut donc très facilement en influencer le prix.
Venons-en au lien avec les émeutes meurtrières en Nouvelle-Calédonie.
À part l’Indonésie, la Nouvelle-Calédonie est également riche en nickel. Et en occurrence, la France exploite ce minerai de fer. Sa production représente 6% de la production mondiale. Ce n’est peut-être pas énorme, mais les barricades et les violences font craindre une interruption de cette production. Ce qui réduirait donc l’offre de nickel sur le marché.
Quand l’offre baisse, la loi du marché implique que le prix doit monter.
Exactement. Le nickel s’échange sur le marché mondial notamment via les échanges de contrats sur le London Metal Exchange. Sur ce marché, le prix d’une tonne de nickel a bondi de 7% en une journée la semaine dernière, pour atteindre 21 150 Dollars.
Ce rebond du prix a sans doute aussi en partie été stimulé par la publication d’un rapport de l’Agence Internationale de l’Énergie soulignant le rôle critique que le nickel et d’autres minéraux doivent jouer dans la transition énergétique. Ce qui devrait structurellement faire accroître la demande pour le métal.
Pouvons-nous donc en conclure que ce mouvement haussier perdurera ?
Malheureusement, c’est loin d’être certain. Oui, fondamentalement la demande pour le nickel restera sans doute forte pour les années à venir. Et oui, elle pourrait même s’accroître.
Mais la production actuelle couvre largement les besoins. Tant que l’Indonésie continue d’accroître sa production année après année, il y a peu de raisons pour pousser le prix du nickel à la hausse.
Il faut savoir que les réserves de nickel au monde sont plutôt bien identifiées. Mais pour qu’il soit rentable de les extraire, il faut que le prix de vente du nickel dépasse son prix de production. Plusieurs experts estiment qu’en dessous de 17 000 Dollars par tonne de nombreuses mines ne sont plus rentables et pourraient être fermées.
En résumé, les violences en Nouvelle-Calédonie illustrent donc le risque géopolitique qui peut peser sur les cours des différents types d’actifs.
Exactement. Et avec la guerre en Ukraine, les tensions entre les USA et la Chine et le conflit dans la bande de Gaza, il est bon de se rappeler que ce risque est difficile à mesurer car complexe à anticiper.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.
