Marc Tempelman, un des co-fondateur de la FinTech Cashbee, qui vise à aider les Européens à épargner plus et mieux, via son application d’épargne simple et sécurisée, nous propose d’échanger aujourd’hui sur la protection de la forêt Amazonienne, sans doute un des enjeux environnementaux prioritaires pour la planète. Mais je croyais que votre chronique était dédiée à la finance et l’épargne ?
Tout à fait, et c’est pourquoi je vous propose d’aborder le sujet sous l’angle économique et financier. Parce que force est de constater que les protestations virulentes exprimées à travers le monde ne changent pas le rythme auquel l’Amazonie est détruite. Pire, sous le président Bolsonaro, la surface de la forêt Amazonienne décroît à un rythme en hausse d’au moins 25% par an.
Alors approchons le problème d’une façon économique. On vous écoute.
Commencer par comprendre l’utilité économique de cette forêt. En l'occurrence, l’Amazonie couvre un tiers de la surface de l’Amérique du Sud. La forêt retient quatre cents milliards de tonnes de CO2. Ce qui correspond à 10 années de production mondiale. La disparition totale de cet écosystème aurait des effets désastreux pour la planète, et accélérerait directement le réchauffement climatique jusqu’à un point de non retour.
Alors c’est évident, il faut préserver la forêt Amazonienne, dans l’intérêt de tous. Si c’est aussi flagrant que cela, pourquoi les Brésiliens ne le comprennent pas ?
Parce que ce n’est pas aussi simple pour eux. Si vous faites partie des 30 millions de Brésiliens qui vivent en bordure de l’Amazonie, et que vous avez du mal à joindre les deux bouts, le réchauffement climatique est un concept théorique bien loin de vos préoccupations quotidiennes. Ce qui compte, c’est de pouvoir vivre.
Par ailleurs, le Brésil n’est pas un pays très pollueur. Un Français produit en moyenne cinq tonnes de C02 par an, un Américain seize, là ou un Brésilien moyen n’en produit que deux et demie. Pointer du doigt l’irresponsabilité des Brésiliens n’est donc pas la bonne méthode, du moins pas avant d’avoir “balayé devant notre propre porte”.
Pour revenir à l’angle économique, que vaut cette forêt ?
Voilà la bonne question à se poser. Les fermiers brésiliens abattent ou brûlent des arbres, notamment pour faire de l’élevage bovin. Comme cette terre n’est ni particulièrement favorable à l’élevage de vaches, ni située proche des consommateurs de viande, elle ne vaut pas grand chose. Environ mille dollars, par hectare de forêt dégagée pour être précis.
Comparons ce tarif à ce que vaut la forêt vierge. De nombreuses études concluent qu’une tonne de carbone a une valeur d’environ cinquante dollars. En appliquant ce prix “à la tonne” au carbone stocké dans un hectare de forêt vierge, on arrive à un prix théorique de vingt-huit mille dollars.
La valeur d’un hectare de forêt vierge est donc incontestablement supérieure à celle du même hectare, défriché. Économiquement parlant, il serait donc parfaitement rationnel de payer les fermiers pour préserver, voire même replanter la forêt.
Oui, mais tout cela est théorique, personne ne va jamais payer pour ne pas abattre des arbres, non ?
C’est rare, mais cela s’est déjà produit. Et avec succès. L’exemple le plus parlant d’une telle politique est sans doute la reforestation des rives de la rivière “de Perle” dans la région de Guangzhou, en Chine. En 1998, après des années de déforestation en amont de la rivière, une terrible inondation affecte des millions de personnes et cause plus de 35 milliards d’euros de dégâts.
En cause ? Le manque d’arbres. Les forêts agissaient en effet comme régulateur du niveau de la rivière. Les dirigeants Chinois ont alors déployé les grands moyens. 120 millions de foyers ont reçu des primes pour replanter des arbres. Dix ans et 125 milliards d’euros plus tard, les résultats sont édifiants : le risque d’inondation est maîtrisé, la quantité de carbone retenu par la végétation est en forte croissance et la forêt ainsi régénérée protège même contre les tempêtes de sable en provenance du nord. Il va sans dire que les retombées économiques dépassent de loin les dépenses du gouvernement.
Et vous pensez qu’une solution similaire pourrait s’appliquer à l’Amazonie ?
Oui. Plutôt que de faire la morale aux Brésiliens, essayons donc de faire des affaires. Le ministre de l’environnement brésilien Ricardo Salles a récemment annoncé la création du programme Adote um Parque (pour Adopte un Parc). Il propose aux investisseurs internationaux “d’aider à prendre soin de l’Amazonie”. Ce programme permet à qui veut, de louer 132 lots qui, ensemble, couvrent 15% de la forêt Amazonienne au Brésil, soit une surface plus grande que le Chili !
Le tout au prix de 120$ par hectare par an, soit 0,4% de sa valeur théorique de 28 000$. Une broutille !
La proposition du gouvernement brésilien peut paraître cynique voire malhonnête. Mais si cette initiative assure effectivement la préservation du “poumon du monde” c’est une opportunité pour les investisseurs aux convictions vertes de joindre l’acte à la parole et de mutualiser le coût abordable de la protection de notre planète.