Retrouvez chaque semaine sur euradio l'analyse d'une actualité européenne avec Joséphine Staron, Directrice des études et des relations internationales du think tank Synopia.
La semaine dernière, les 27 chefs d’États et de gouvernement européen se sont réunis lors d’un conseil à Bruxelles. Que peut-on retenir de ce grand rendez-vous politique ?
Le Conseil européen des 17 et 18 octobre devait initialement tourner autour de la question de la compétitivité et des propositions formulées dans le rapport de Mario Draghi, l’ancien Président de la Banque Centrale européenne. Mais aux vues de leurs divergences d’opinion, notamment sur la question de l’emprunt commun, les dirigeants ont repoussé la majeure partie de leurs échanges sur ce rapport à début novembre, lorsqu’ils se réuniront à Budapest, en présence cette fois de Mario Draghi lui-même. Finalement, c’est donc la question migratoire qui a été au centre de ces deux jours de Conseil européen.
Pourquoi la question migratoire est-elle revenue sur la table aussi subitement ?
Parce que l’immigration reste l’épine dans le pied des dirigeants européens… La Présidente de la Commission elle-même a adressé une lettre ouverte aux chefs d’état en début de semaine dernière dans laquelle elle annonce la création d’un nouveau cadre législatif sur l’immigration.
Pourtant, le Pacte Asile et Immigration a été adopté en mai dernier ?
Oui, mais déjà on se rend compte de l’insuffisance de ce texte, alors même que les pays n’ont pas encore eu l’opportunité d’implémenter le Pacte et de le transposer dans leur droit national. Il aura fallu presque 10 ans pour négocier ce Pacte, et tout ça pour se rendre compte qu’il ne permet pas de répondre à la problématique première : celle de la gestion de l’immigration illégale en Europe. Si le Pacte Asile et Immigration rend possible l'externalisation du traitement des demandes d'asile via des accords bilatéraux, Ursula von der Leyen veut aller plus loin en créant des « hubs de retour », c’est-à-dire des centres ou des installations mis en place pour faciliter le retour des migrants dans leur pays d'origine. Ces hubs seraient localisés en dehors des frontières de l’espace Schengen.
Est-ce qu’on peut voir dans cette idée l’influence de la droite et de l’extrême droite en Europe, notamment au sein du Parlement européen ?
Oui. Les dernières élections européennes n’ont pas bouleversé les équilibres politiques, mais elles ont néanmoins renforcé et accentué l’influence de la droite. Le fait que le Premier Ministre hongrois, Viktor Orban ait créé un parti politique – Les Patriotes – composé des partis de droite les plus radicaux d’Europe, et que ce parti soit devenu la troisième force politique du Parlement européen, paradoxalement, cela a rendu le parti de la Première Ministre italienne Giorgia Meloni beaucoup plus « fréquentable ». Beaucoup de dirigeants politiques se tournent désormais vers elle pour éviter d’avoir à se tourner vers le Premier ministre Hongrois. Bien que son groupe soit désormais 4 ème au Parlement européen, il est devenu tout bonnement incontournable. Et elle peut certainement remercier Viktor Orban pour ça. D’ailleurs, rappelons que c’est à la demande de la Hongrie qui assure la présidence tournante du conseil de l’UE que la question des retours a été mise à l’ordre du jour.
Les dirigeants européens veulent notamment s’inspirer de la politique migratoire de Giorgia Meloni.
Oui. La Commission regarde attentivement l’accord passé entre l’Italie et l’Albanie notamment. L’objectif est que les demandes d’asile soient instruites en dehors de l’UE pour favoriser ensuite les retours. En effet, aujourd’hui à peine 20 % des déboutés du droit d’asile sont effectivement renvoyés dans leur pays d’origine. C’est ce chiffre qui préoccupe les dirigeants européens aujourd’hui.
Une interview réalisée par Laurence Aubron.