Planète compromise ?

Le bilan corruption de la COP29

Le bilan corruption de la COP29

Chaque semaine, retrouvez Sophie Lemaître, Docteure en droit, experte des questions de corruption et d’environnement, pour comprendre comment la corruption et les crimes liés à l’environnement mettent en danger notre planète.

Aujourd’hui, on revient sur la COP29 sur le climat qui s’est terminée dimanche 24 novembre. Quel bilan peut-on en tirer en matière de corruption ?

Malheureusement, les question de corruption et d’anticorruption n’ont pas fait partie des discussions. En même temps quand on voit le résultat très décevant obtenu pour lutter contre le changement climatique, on ne pouvait pas s’attendre à ce que la corruption soit mentionnée dans les négociations.

Il y a quelques semaines vous nous parliez de la présence du lobby des énergies fossiles au sein des différentes COP sur le climat. Qu’en était-il cette année ?

La COP29 n’a pas échappé à la présence et à l’influence du lobby des énergies fossiles. La coalition Kick Big Polluters Out a comptabilisé au moins 1 773 lobbyistes. Ils étaient certes moins nombreux qu’en 2023 mais ils étaient tout de même en position de force pour influencer le contenu des négociations. Pour avoir une idée de ce que représente ce chiffre de 1 773 lobbyistes des énergies, c’est plus que le nombre de représentants des 10 pays les plus vulnérables au changement climatique. Ce qui est hallucinant. Ces lobbyistes étaient accrédités par des associations professionnelles comme l’Association internationale pour l’échange de droits d’émission. Ils étaient aussi intégrés dans des délégations nationales comme l’entreprise pétrolière ENI au sein de la délégation italienne. 113 lobbyistes faisaient partie des délégations de différents pays européens.

Les énergies fossiles étaient-elles les seules représentées ou d’autres lobbys émetteurs de CO2 étaient-ils présents ?

Le lobby des énergies fossiles n’était effectivement pas le seul à la COP29. Selon les médias DeSmog et The Guardian, 204 lobbyistes de l’industrie agroalimentaire étaient présents comme le géant JBS ou PepsiCo. Tout comme les lobbyistes des énergies fossiles, ils étaient intégrés au sein des délégations de pays comme le Brésil, la Russie ou l’Australie alors que ce sont de gros émetteurs de CO2. On voit bien que la COP29 a une nouvelle fois été capturée par des intérêts privés au détriment de l’intérêt général et de la protection de la planète.

Y a-t-il eu d’autres situations problématiques ?

Oui, l’ONG Global Witness et la BBC ont publié une vidéo dans laquelle on voit Elnur Soltanov, directeur de la COP29 mais aussi vice-ministre de l'Énergie de l'Azerbaïdjan et membre du conseil d'administration de l’entreprise pétrolière d’état SOCAR. Dans cette vidéo, il échange par visio avec un enquêteur sous couverture de Global Witness qui s’est fait passer pour le directeur d'une société d'investissement fictive de Hong Kong dénommée EC Capital spécialisée dans l'énergie. Ils discutent de possibles investissements gaziers en Azerbaïdjan en contrepartie d’un parrainage d’EC Capital à la COP29. Elnur Soltanov a même proposé de le présenter à la SOCAR pour entamer des discussions sur ces investissement dans le gaz. On a également un rapport de Transparency International qui fait un état des lieux des pratiques qui posent questions. Ce rapport montre par exemple que des sponsors de la COP29 et des entreprises en charge de l’organisation de la COP sont liés à l’entourage du président Ilham Aliyev et à ses alliés.

En vous écoutant on voit que les conflits d’intérêts sont légion et la COP climat continue à être sous influence. La COP30 aura lieu en novembre 2025 au Brésil. Peut-on s’attendre à des changements ?

On peut l’espérer. En tout cas, les ONGs vont continuer à demander à l’ONU de réformer le système d’accréditation et de mettre en place des garanties pour que les prochaines COP climat ne soient pas sous l’influence d’intérêts privés. Ensuite, tout dépendra du leadership du Brésil et de sa capacité à résister aux lobbys alors que le secteur agroalimentaire est énorme et que le pays est le 9ème producteur pétrolier au monde. En plus, le Brésil a connu de nombreux scandales de corruption dans ces deux secteurs. Et c’est sans compter les violences contre les défenseurs de l’environnement. Rien qu’en 2023, 25 personnes ont été assassinées. Le Brésil est le deuxième pays le plus meurtrier au monde pour les défenseurs de l’environnement après la Colombie.

Une interview réalisée par Laurence Aubron.

Sources :

- Corportate Europe Observatory, Fossil fuel lobbyists eclipse delegations from most climate vulnerable nations at COP29 climate talks (2024)

- DeSmog, Meat, Dairy and Pesticide Lobbyists Return in High Numbers to Climate Summit (2024)

- BBC, COP29 chief exec filmed promoting fossil fuel deals (2024)

- Novethic, COP29 : le nouveau lobbying des industries pétrolières pour bloquer la transition climatique (2024)

- Observatoire des multinationales, L’Azerbaïdjan, la COP29 et les grandes entreprises françaises (2024)

- Transparency International, COP Co-opted? How corruption and undue influence threaten multilateral climate action (2024)

- OCCRP, Azerbaijan's COP29 Organizers Criticized For Oil Ties, Other Potential Conflicts of Interest (2024)

- Global Witness, Missing voices (2024)