Dans cette chronique, Nathalie Richard, coach et facilitatrice en transition intérieure et gardienne d’un écolieu dans le Finistère, tente de démystifier un sujet aussi mal compris qu’oublié : la spiritualité.
C’est une question que j’avais envie d’aborder aujourd’hui car elle revient très régulièrement dans les ateliers que j’anime autour du sens, de l’alignement personnel.
Il y a encore quelques jours lors d’une session de coaching, la jeune femme que j’accompagne me disait se sentir coupable quand elle s’adonne à ce qu’elle aime profondément faire.
Elle se demandait comment ‘puis-je me prélasser dans mon jacuzzi de bonnes vibrations quant au pied de chez moi je croise tous les jours des sans-abris qui n’ont absolument rien ?’.
Et n’est pas là une question légitime Nathalie ?
Bien sûr que si !
C’est une interrogation tout à fait légitime et pertinente au contraire.
Elle démontre une véritable conscience face aux douleurs du monde.
Dans un monde où le repli sur soi nous guette et en crise de sensibilité,
un monde qui a tant de mal à changer malgré l’évidence que nous allons dans le mur,
il est rassurant d’entendre ce malaise s’exprimer quand on jouit de tant de privilèges.
Cette conscience de nos privilèges est donc biensur à cultiver.
Mais, je sens qu’il y a un mais…
En effet !
Comme toujours, tout est une question de discernement.
De dosage d’une certaine façon.
Comme, vous savez, cette subtile frontière entre remède et poison.
Certaines traditions disent aussi que les extrémités se touchent.
Cela veut dire qu’une ‘bonne’ chose poussée trop loin devient mauvaise. Et vice versa d’ailleurs.
On retrouve cette idée dans ce dire populaire que l’enfer est pavée de bonnes intentions.
Tout cela pour dire qu’avoir conscience de ses privilèges est essentiel pour rester en prise avec le monde, c’est un signe d’empathie. Un trait à chérir de notre humanité.
Mais si cette conscience fait en quelque sorte du zèle et se transforme en culpabilité
au point de voiler, freiner, paralyser ce qui nous fait profondément vibrer,
ou de se sacrifier pour sauver le monde alors, Houston on a un problème.
Et quel est ce problème ?
Je dirais qu’il y en a plusieurs.
Le 1er évident c’est celui que je viens de nommer,
une sorte de manque à gagner sur la quantité de joie dans le monde.
Faire ce que l’on aime apporte de la joie pour soi certes mais aussi au monde car la joie est contagieuse n’est-ce pas ?
Avez-vous remarqué à quel point, voir une personne qui kiff ce qu’elle fait nous autorise à faire de même ?
Le 2ième problème, ou plutôt la 2ième facette du problème, est qu’en fermant la porte à ce que l’on croit égoïste, on ferme la porte à son élan de vie propre.
Cette main tendue qui nous porte quel que soit l’état de la mer dans laquelle nous naviguons.
Cette main tendue est celle de notre intériorité comme nous le dit Thomas D’Ansembourg dans son ouvrage ‘Du je au nous’.
Et tant que cet espace n’est pas ouvert et exploré,
notre élan est bloqué et nous ne pouvons être guidé ni vers notre liberté ni vers notre responsabilité.
Responsabilité au sens étymologique de notre capacité à répondre aux grandes questions de la vie.
Autrement dit, sans cet accès à notre élan de vie,
nous ne sommes alors pas à même d’offrir nos réponses uniques, créatives et originales aux enjeux du moment.
C’est fâcheux certes mais cela reste un problème individuel non ?
Et bien non !
Il me semble au contraire que s’ouvrir à ce qui fait sens pour soi, ce qui nous anime vraiment – et on le sait car quand on y est on se sent profondément en joie – est intimement corrélé à ce dont le monde a besoin.
Je le crois car je l’ai observé pour moi ainsi que pour les personnes que j’ai accompagnées : trouver ce qui nous met en joie nous mène naturellement à se mettre au service de plus grand que soi.
À ce sujet, Thomas d’Ansembourg nous dit ceci : ‘Nous ne parviendrons pas, collectivement, à respecter ladite nature si, individuellement, nous continuons à faire systématiquement violence à notre propre nature.’
Et sur ce, j’aimerais vous laisser avec cette magnifique citation de la grande et regrettée Christiane Singer :
‘Il y a des fuites qui sauvent la vie : devant un serpent, un tigre, un meurtrier.
Il en est qui la coûtent : la fuite devant soi même.
Et la fuite de ce siècle devant lui-même est celle de chacun de nous.
Comment suspendre cette cavalcade forcée sinon en commençant par nous,
en considérant l’enclave de notre existence comme le microcosme du destin collectif ?
Mieux encore : comme un point d’acupuncture qui, activé, contribuerait à guérir le corps tout entier.’
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.