Par les mots qui courent…

Garder les couleurs

Photo de Diane Picchiottino - Unsplash Garder les couleurs
Photo de Diane Picchiottino - Unsplash

Une fois par mois, Alexandra Fresse-Eliazord décrypte les mots de l’actualité pour nous faire prendre un peu de recul sur le vocabulaire employé par les personnes publiques, les responsables politiques, les journalistes ou les entrepreneur·es.

Ce mois-ci, Alexandra Fresse-Eliazord, vous avez choisi de nous présenter une chronique colorée !

Oui, Laurence Aubron ; peut-être parce que la violence qui nous bombarde à chaque journal radio ou télévisé risquerait de nous mettre d’humeur sombre, je me suis laissée happée par le vocabulaire des couleurs.

Couleurs d’automne ?

Eh bien presque. Pour commencer, nous sortons d’octobre rose. Une couleur emprunte de douceur, pour nous rappeler de prendre soin… de nos seins. Mais l’actualité récente a mobilisé d’autres couleurs chaudes dans des contextes moins intimes et assez dramatiques.

Nous avons connu force d’alertes rouges ou oranges « pluies inondations » ces dernières semaines, qui n’ont pas été que des alertes « couleur de feu » mais des réalités d’eau et de boue, et de gravas, pour de nombreux habitants en France mais aussi en Europe centrale, et en Espagne.

Il ne s’agit pas d’y voir l’avènement d’une saison, grise et pluvieuse, mais bien le symptôme que le dérèglement climatique ne va pas avoir de conséquence dans un futur lointain, mais qu’il est déjà là, bien présent, dans nos vies.

Alors peut-être que dans cette urgence, les puissances politiques mais aussi financières vont enfin rediriger massivement leurs efforts vers la décarbonation de notre économie…

Vous n’avez pas l’air d’y croire…

Disons que les efforts affichés ne correspondent pas toujours à la réalité. Et je m’appuie ici sur la plainte de l’organisation environnementale ClientEarth déposée le mois dernier auprès de l’Autorité des Marchés Financier contre BlackRock, la puissante société multinationale de gestion d’actifs financiers. Cette plainte vise la société « BlackRock » pour des produits d’investissements affichés comme « verts » qui bénéficieraient en fait aux énergies fossiles.

Un cas de greenwashing, donc.

Je trouve intéressant par ailleurs de constater que pour Greenwashing le mot correspondant en français est « éco-blanchiment ». L’image que l’on obtient, visuellement, n’est pas là même : avec « greenwashing », on « lave vert », on imagine un bain de teinture… alors qu’avec « éco-blanchiment », on lave plus blanc que blanc… avec une expression qui nous amène dans un autre univers de référence, celui du blanchiment d’argent sale.

En tout cas, ici, cela m’a fait sourire, disons, sourire jaune, car si l’on regarde bien : « BlackRock », si l’on traduit le nom, il s’agit bien d’une roche « noire », et non pas « verte » ; noir, donc, couleur pétrole, ou charbon, plus que couleur du vent… Il fallait donc peut-être s’y attendre…

Alors « BlackRock », ça aurait pu être aussi un groupe de musique, rock bien sûr, un truc bien dark… et pourtant, là, c’est le gouvernement chinois qui aurait protesté.

Comment cela ?

Le Courrier International nous a appris ce mois-ci qu’un article du Quotidien du Peuple précisait, propos d’un manuel d’éducation destiné aux étudiants, que la musique rock et pop était suspecte car souvent utilisée comme couverture pour les « révolutions de couleurs. »

Révolutions de couleurs ?

Cette expression « révolution de couleurs » est utilisée, notamment depuis la « révolution orange » de 2004 en Ukraine, par les régimes autoritaires lorsqu’ils craignent une « subversion instiguée par les puissances occidentales dans le but de renverser la classe dirigeante au pouvoir. »

Le rock comme puissance subversive…

Alors oui, la scène rock chinoise est très active, mais pas forcément subversive (le rock était peut-être subversif… dans les années 1960 ?), et en tout cas, l’article a surtout suscité le rire. Et c’est peut-être ça qui nous sauvera de nos humeurs sombres dans un monde tout de même un peu chaotique : garder le sens de l’humour pour ne pas pâlir sous les coups de l’actualité.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.

Source :

Courrier international


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