Épisode 5 de notre nouveau rendez-vous Les épidémies dans l’histoire, en partenariat avec le Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique (CRHIA) des Universités de Nantes et La Rochelle.
Comme toutes les semaines, nous remontons le temps pour nous pencher
sur les différentes épidémies qui ont marqué l’histoire. Parmi elle, la peste de Justinien, qui frappe le bassin méditerranéen à partir de 541. Pour en parler avec nous, Annick Peters-Custot, professeure d’histoire à l’Université de Nantes.
Dans quel contexte apparaît cette épidémie de peste, dite peste de Justinien ?
Cette peste démarre en 541, en Egypte même si des sources nous indiquent qu’elle est d’origine asiatique. Elle se répand dans le cadre du grand empire romain de l’Empereur Justinien. Celui-ci est en train de reconstituer son Empire tout autour de la Méditerranée.
Cette peste a un grand “succès” parce qu’elle profite du redéploiement du commerce, et de l’unification politique qui est favorisée par le règne de l’empereur Justinien.
Cette épidémie marque d’abord les régions littorales et les villes, parce que la maladie est en quelques sortes véhiculée par le commerce au sein de la Méditerranée. Est-ce que les campagnes et les villes moins peuplées sont épargnées ?
Et bien pas vraiment, en fait ça dépend où. Tant qu’on est sur les axes de communication du commerce, y-compris en remontant le Rhône et en allant vers la Germanie, les villes et campagnes sont touchées. D’autant plus les campagnes car les populations riches et aristocratiques fuient les villes qui sont des “clusters” de l’épidémie pour aller dans leurs grands domaines en campagne, et propagent ainsi l’épidémie dans les zones rurales.
Est-ce que d’autres épidémies frappent les populations de l’époque ?
L’épidémie de Justinien réussit aussi parce que d’autres épisodes endémiques récurrents ont frappé les populations avant même la peste, comme la lèpre ou la malaria. Les populations sont donc déjà secouées et affaiblies par ces épisodes endémiques et, les sources nous l’attestent, cela s’ajoute à partir de 536 à des successions d’étés froids et pluvieux qui ont défavorisé la production agricole et ont donc provoqué des disettes récurrentes.
Est-ce que cette épidémie marque une transition entre deux périodes économiques ?
Oui, tout à fait. Dans une période où la production dépend du nombre de bras qui cultivent la terre, cette épidémie va donc marquer une récession économique dans l’ensemble du bassin méditerranéen. La population a été “décapitée” de vingt à trente pour cent de la démographie générale. Les villes se sont donc ruralisées. Rome perd par exemple les deux tiers de sa population au cours du 6e siècle. Ce phénomène se propage dans tout le bassin méditerranéen, avec une déprise économique qui favorise un redéploiement de l’économie vers des zones épargnées plus au Nord, dans la Manche et la Baltique par exemple. La peste de Justinien, qui a frappé jusqu’au milieu du 8e siècle, a été un élément de fragilisation du monde méditerranéen et du monde antique.
Quel impact aura cette épidémie en termes démographiques, économiques. Est-ce qu’il y aura aussi des conséquences politiques ?
Ces épidémies déstructurent la société, décapitent les élites, un pape meurt à la fin du 6e siècle… On a donc des phénomènes conjoncturels mais pas structurels. La peste de Justinien fragilise des populations mais ne remet pas en cause les systèmes politiques, qui vont plutôt être bouleversés par les conquêtes islamiques qui auront lieu à partir du 7e siècle.
Pour plus d’informations sur le sujet, rendez-vous sur la chaîne YouTube du Centre de Recherche en Histoire Internationale et Atlantique.
Découvrez également l’émission Les Voies de l’Histoire, une coproduction euradio – CRHIA.