L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Faux contenus, élections et État de droit

© European Union 2024 - Source : EP Faux contenus, élections et État de droit
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Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.

L’Etat de droit est régulièrement cible d’attaque et, à l’approche des élections européennes, on peut craindre la démultiplication de contenus faux.

Tout à fait Laurence, on en a déjà parlé. Le problème n’est pas tant la publication d’un fait manipulé ou une photo truquée mais de la diffuser tellement amplement et intensément qu’elle peut avoir un effetpolitico-stratégique sur une question d’intérêt public.

On ne peut pas agir sur ceux qui produisent ces fake news.

Non. Techniquement et légalement, c’est impensable d’imaginer ne pas faire dire ou écrire quelque chose à quelqu’un. Par contre, on peut repérer les données publiées et anormalement démultipliées.

Ah oui c’est qu’on appelle les bots.

C’est cela Laurence, ils relaient des messages de manière frénétique et permettent ainsi de gonfler artificiellement l'importance d'un sujet.

Imposer une fausse information comme quelque chose de crédible parce que tout le monde en parle! ou semble en parler.

Oui et on le sait. En 2022, avant le rachat par Elon Musk, Twitter estimait que les bots représentaient 5% des comptes actifs sur la plateforme. 2 ans plus tard, les estimations vont jusqu’à 20%.

Sachant cela, la Commission réclame des mesures aux plateformes pour assurer des élections les plus sereines possible.

Dans ses lignes directrices, présentées le 26 mars, l’exécutif européen demande aux très grandes plateformes – comme Facebook, X et YouTube – de réduire les risques de diffusion de désinformation électorale.

Les élections européennes sont particulièrement faciles à cibler car c’est toujours facile de dire que Bruxelles décide sans trop se donner la peine de prouver quoi que ce soit.

Chaque grande plateforme doit prévoir assez de modérateurs, avec une connaissance locale suffisante, pour chaque scrutin. Ces plateformes doivent aussi contribuer à l’information sur la mécanique de scrutin et entrer en contact avec les autorités nationales (des médias ou électorales) en amont.

Ce sont des points à prendre en compte dans le cadre du Digital services act ?

Oui, beaucoup de soin est apporté je trouve. Un exercice de crise avec les plateformes est prévu pour dans quelques jours, la désinformation fait déjà l’objet d’enquêtes ouvertes par la Commission contre des plateformes.

Ces entreprises américaines, finalement, sont très compréhensives et arrangeantes !

Oui, à mon avis elles se sont rendu compte qu’elles n’ont rien à gagner à laisser faire les bots : les publicités sont sans effet sur eux. Elles risquent même plus qu’un manque à gagner.

Oui dans la prise du Capitole de janvier 2021, en particulier.

Le réseau social n’a pas été considéré en tant que tel responsable. mais le fait que l’entreprise soit réticente à transmettre des éléments à la justice ont révélé un certain aveu à mon avis. Ces entreprises ne veulent pas prendre à nouveau ce risque je pense.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.