L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Les présidences hongroise et polonaise du Conseil de l’Union européenne

Les présidences hongroise et polonaise du Conseil de l’Union européenne

Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur Euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.

L’État de droit en Europe a subi de nombreuses attaques durant cette année 2024. Mais est-ce qu’on peut l’expliquer par le fait que la Hongrie de Viktor Orban n’en a pas fait une priorité dans le cadre de la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne?

Alors il faut bien admettre, Laurence, que le Premier ministre hongrois aura joué de cette carte de “représentant de l’Europe” à l’international pour jouer encore un peu plus les fauteurs de trouble. Surtout au début du semestre de sa présidence tournante du Conseil et cela a peut- être inspiré certaines attaques contre notre Etat de droit.

Rappelons que cette présidence ne concerne que les réunions du Conseil au niveau des ministres!

Exactement, cela signifie qu’entre juin et décembre 2024, les réunions au niveau des ministres de l’intérieur des Etats membres de l’Union, par exemple, étaient présidées et avec un ordre du jour fixé par le ministre hongrois de l’intérieur.

Et pendant ce semestre, la défense de l’Etat de droit n’était pas au programme.

Voilà, on est loin des priorités affichées par la Belgique, l’Espagne ou la Suède par exemple, en ce qui concerne les présidences tournantes précédentes. Ce qui est notable, dans cette présidence hongroise, c’est qu’en tant que représentant d’une Europe qui serait peu regardante sur l’Etat de droit et ses ambitions de société inclusive, certains créateurs de contenus en ligne ce sont peut être dit que cela constituait un bon moment pour attaquer notre vision d’un Etat de droit exigeant.

Mais le programme de la présidence polonaise, qui s’ouvre en janvier 2025, ne pose pas en priorité la défense de l’Etat de droit mais la sécurité.

“Sécurité” sera le mot central et le pivot de toutes les priorités : protection des personnes et des frontières, résistance à l'ingérence étrangère et à la désinformation, sécurité des entreprises, sécurité énergétique par la transition, sécurité alimentaire et sanitaire, les différents aspects d’une Europe sécurisée et sécuritaire sont déclinés. En fait, on comprend que les questions de démocratie et d’Etat de droit sont entièrement subordonnées au contexte géopolitique.

Le 1er janvier 2025, la présidence passe des mains de Viktor Orban à celles de Donald Tusk, nouveau premier ministre de la Pologne depuis octobre 2023 et ancien président du Conseil européen (2014-2019).

Exactement : c’est la 2de fois que D. Tusk assume cette fonction de présidence tournante du Conseil de l’UE et le souvenir de la présidence polonaise de 2011 est resté comme un moment d’affirmation pro-européenne.

Le contexte est quand même très différent qu’en 2011.

Clairement! La Pologne se prépare à un nouveau mandat Trump et des difficultés dans la relation transatlantique, dans un contexte de conflit armé à sa frontière. Mais maintenant que la Pologne est membre, depuis 20 ans, de l’Union, elle se pose en moteur. C’est ce qui a marqué la visite d’Etat du président Macron à Varsovie, pour discuter d'un projet de mission européenne de maintien de la paix qui préserverait la souveraineté ukrainienne dans le cadre d'un éventuel accord.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.