L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Processus électoraux en danger

Photo de J MAD - Pexels Processus électoraux en danger
Photo de J MAD - Pexels

Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.

L’État de droit, dans l’esprit d’un grand nombre d’entre nous, ce sont des élections, mais elles apparaissent de plus en plus souvent inutiles ou manipulées.

Il faut bien avouer, Laurence, qu’il est difficile d’y voir clair en ce moment. L’interminable campagne américaine et les scrutins organisés en Moldavie et en Géorgie ces derniers jours. Tout ceci donne surtout l’impression que le système du vote ne convainc plus, tant il est manipulé.

D’autant que les scrutins des 20 et 26 octobre 2024 étaient directement liés aux destins européens de la Moldavie et la Géorgie.

Oui, Moldavie et Géorgie, deux anciennes République fédérées soviétiques - donc sous la coupe du Kremlin jusqu’en 1991 - aujourd’hui candidats à l’Union européenne.

C’était parfaitement clair et assumé en Moldavie qui organisait, ce 20 octobre, un référendum relatif à l’adhésion du pays à l’Union, et le premier tour de l’élection présidentielle au suffrage universel direct.

Exactement, Maia Sandu, offre une médiatisation inédite à son pays depuis qu’elle affirme clairement son opposition aux ambitions du Kremlin. Élue en 2020 sur un programme europhile, elle brigue donc un second mandat pour mener à bien les négociations d’adhésion à l’Union.

Le 20 octobre elle a donc remporté le 1e tour avec 42% mais doit encore remporter le 2d tour, le 3 novembre.

C’est un résultat auquel on pouvait s’attendre. la grande déception, c’est l’abstention et la très courte majorité obtenue au référendum relatif à l’adhésion de la Moldavie à l’UE. En d’autres termes, 75 % du total des électeurs ne s’est pas prononcé en faveur de cet objectif (contre, ou abstention).

La population est pourtant réputée favorable !

Oui, comme en Géorgie, mais les pressions et intimidations auront eu raison des promoteurs de l’adhésion. D’ailleurs, pour les élections législatives du 26 octobre, la présidente Salomé Zourabichvili les considérait comme un “référendum sur l’Europe”.

Oui mais on a déjà vu que le parti au pouvoir depuis 2012 sape méthodiquement toute avancée de la Géorgie vers l’Union.

Les manifestations de ces derniers jours illustrent l’immense déception pour les quatre partis d’opposition qui avaient accepté de coopérer dans un front uni vers l’adhésion à l’Union.

D’ailleurs Viktor Orban s’est encore fait remarquer en tant que Premier ministre de la présidence du Conseil de l’UE!

Sans surprise, il est favorable à ce qu’un parti faussement européen, dirigé par un ami du Kremlin reste au pouvoir en Géorgie.

La situation est tout de même préoccupante, les citoyens sont tiraillés entre leurs ambitions européennes et la peur de l’ex empire soviétique

Oui, on peut comprendre la peur de certains, et la résistance des autres. En effet, pour la présidente Zourabichvili, admettre les résultats de ces élections - et tolérer les perturbations du scrutin - revient à reconnaître l’invasion russe et l’assujettissement de la Géorgie.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.