L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Processus électoraux en danger - Partie 2

Processus électoraux en danger - Partie 2

Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur Euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.

L’Etat de droit, dans l’esprit d’un grand nombre d’entre nous, ce sont des élections, on a vu la semaine dernière qu’elles sont manipulées mais quand on voit la situation en Bulgarie, on se demande qu’elle est encore leur utilité!

C’est vrai Laurence, l’ambiance est morose… en Bulgarie, les électeurs étaient convoqués, le 27 octobre, pour la 7e élection en trois ans.

La situation est particulièrement préoccupante, on parle de 7 renouvellements du parlement!

Cette instabilité chronique rend le paysage politique extrêmement fragmenté. Et chaque élection se caractérise par une abstention grimpante - plus de 60% à chaque fois, signe du désintérêt du public et de la faiblesse de l’offre politique.

Ce serait comme une élection permanente, parce que des gouvernements de coalition n’arrivent pas à se former, si je comprends bien.

On peut l’expliquer ainsi, aller voter pourrait sembler inutile pour les citoyens car leur choix n’est pas pris en compte du fait de la non formation d’un gouvernement reflétant les majorités au parlement.

Les citoyens attachés au modèle d’Etat de droit européen se découragent en fait, et laissent le champ libre à ceux qui y sont opposés.

Clairement Laurence, l’abstention, la perte de confiance dans les institutions font que les nationalistes prorusses - donc anti Etat de droit européen - voient une part plus importante des votes en leur faveur, plus de 13% maintenant.

Le parti conservateur GERB s’est de nouveau placé en tête avec 26 % des voix, ce 27 octobre.

Oui mais comme en juin, il pourrait avoir du mal à trouver des alliés pour former une majorité. Et l’influence du parti pro russe nommé “Renaissance” grandit au point d’en faire un partenaire potentiel pour former une coalition gouvernementale.

Rien ne dit qu’ils arriveront à s’entendre pour former un gouvernement.

Voilà. Et s'ils y arrivent, rien ne dit qu’ils arriveront à s’entendre entre membres de gouvernement formé, rien ne dit que les votes de textes à l’Assemblée ne seront pas bloqués.

Cette décrédibilisation du vote et des institutions parlementaires ont des conséquences dramatiques.

Le marasme politique inquiète les investisseurs étrangers, puisque toutes les réformes nécessaires en matière de lutte contre la corruption et de transition énergétique, remettent en cause le versement de milliards d’euros de fonds européens. Cette instabilité a également entraîné le report de l’adhésion à la zone euro et de l’intégration complète à l’espace Schengen. Sans parler du fait que les 7 élections organisées depuis 2021 ont coûté plus de 300 millions d’euros au contribuable bulgare.

Une interview réalisée par Laurence Aubron.

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