Les sols, merveilles invisibles

Les sols, merveilles invisibles - Tiphaine Chevallier

Les sols, merveilles invisibles - Tiphaine Chevallier

Une semaine sur deux sur euradio, Tiphaine Chevallier, directrice de recherche à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD), cherche à effectuer un rappel à la terre qui se trouve sous nos pieds, sous le bitume, dans l'optique de renouer les liens forts que nous entretenions avec cette dernière.

De quoi allons-nous parler pour débuter l’année ?

De biodiversité. Avant les fêtes de fin d’année, la COP15 sur la biodiversité a eu lieu à Montréal. Si celle-ci a surtout parlé de la biodiversité visible, les discussions ne furent pas complètement hors sol. Terriens, terriennes, société civile, scientifiques et négotiateur·ices ont tous insisté sur l’usage de sols. L’occasion de parler de la biodiversité des sols. Alors, biodiversité des sols, qu’est-ce que cela vous évoque ?

Vers de terre, fourmis, termites… taupes…

Oui, ce sont les animaux les plus gros, ceux que l’on voit. Ils vivent ou s’abritent dans le sol. Il y a aussi la plupart des insectes dont une partie de leur cycle de vie se déroulent dans les sols. Mais si on s’en tient à ces organismes, on passe à côté de l’immense biodiversité que l’on ne voit pas. En tout cas pas à l’œil nu. Cette biodiversité est très peu connue, car la plupart des organismes sont très petits.

Alors comment fait-on, comment peut-on approcher cette biodiversité ?

Il faut l’extraire su sol pour l’observer à la loupe ou au microscope. Le premier à avoir essayé est Antonio Berlèze. Un botaniste et entomologiste italien du 19e siècle. L’idée était tout simple mais efficace. Les animaux du sol s’enfuient à la lumière et à la chaleur. Une ampoule au-dessus d’un entonnoir rempli de sol permet de récupérer en bas de l’entonnoir les fuyard·es. Cet appareil dit de Berlèse, du nom de son inventeur, permet d’extraire des acariens, des collemboles, des tardigrades, des enchytréides, de petits organismes de la taille d’un demi mm et observable à la loupe. 

Et les plus petit·es ?

Pour les plus petit·es, la technique est plus longue, comme ils vivent dans l’eau du sol, des tamisages successifs du sol dans l’eau et des centrifugations permet d’isoler puis d’observer en microscopie des nématodes, des protistes et des bactéries. Tous ces organismes du sol constituent une extraordinaire diversité. Les sols sont les milieux où la densité d’espèces différentes est la plus importante. 1 gramme de sol contient des millions d’individus, plusieurs milliers d’espèces de bactéries, sans comptes les nématodes, les protistes…

Est-ce que de la même manière que la biodiversité au-dessus des sols s’érode, celle des sols se dégrade ?

Difficile de répondre précisément, car difficile de savoir si des espèces, encore inconnues ni décrites disparaissent. Il y a par exemple 4 000 espèces de vers de terre connus et sans doute tout autant d’espèces inconnus. Ce que l’on sait en revanche, c’est que globalement dans les sols agricoles l’abondance des organismes a beaucoup décru.

Cela a des effets, j’imagine sur le fonctionnement des sols ?

Bien sûr. L’ensemble de ces organismes interagissent entre eux, avec la matière organique et les particules minérales du sol. Cette activité biologique est indispensable au recyclage des débris végétaux et donc à la mise à disposition d’éléments minéraux nécessaires à l’alimentation et la croissance des plantes. Les organismes du sol favorisent également la structure du sol, sa porosité et la stabilité des agrégats qui pourront alors mieux résister à l’érosion. Certains micro-organismes entretiennent des relations symbiotiques avec les racines comme les mycorhizes ou les rhizobia avec les légumineuses. Ces activités biologiques sont très riches.

Une chronique de 3-4 minutes ne peut suffire !

Non impossible de tout raconter aujourd’hui. Mais je reviendrai ! Si vous voulez d’ici là avoir un aperçu en image de cette biodiversité, des ressources téléchargeables gratuitement sont disponibles en bas de page.

Entretien réalisé par Cécile Dauguet.

Liens :

Atlas européen de la biodiversité des sols : https://op.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/7161b2a1-f862-4c90-9100-557a62ecb908

Jeu de 7 familles « La vie cachée des sols » : https://librairie.ademe.fr/sols-pollues/5107-jeu-de-7-familles-la-vie-cachee-des-sols.html